échoué contre la tristesse incurable de Marguerite ; elle était toujours silencieuse et morne, puis un jour elle avait reçu une lettre de Paris, et le lendemain elle avait disparu de nouveau.
Dans quel état elle revint cette fois, la pauvre enfant ! Une fièvre violente accompagnée de délire se déclara quand elle fut descendue de la voiture de la marquise ; le docteur Benoît, médecin du village, fut appelé immédiatement, et prononça qu’il n’y avait point de danger grave, mais que cependant du repos et des soins étaient nécessaires. Madame de Lautages, avertie par une première expérience, ne voulut point laisser Marguerite au château ; elle la fit transporter chez la mère Thomas, à laquelle d’ailleurs elle donna les sommes nécessaires pour que rien ne manquât à la malade.
Elle observait Georges avec attention ; sa science du cœur humain lui disait que le violent amour dont il avait été possédé n’avait point cédé encore à l’infidélité dont il croyait Marguerite coupable.
En effet, le lendemain du jour où Georges était arrivé, il alla la voir en secret. De quelle douleur il fut saisi ! Dans une petite pièce où le pied posait sur un sol non carrelé et toujours humide, où trois ou quatre chaises boiteuses et dépareillées s’appuyaient pour ne pas tomber sur des murs nus et enfumés, au coin le plus obscur était dressé un petit lit fait de planche de bois blanc mal jointes. C’est là qu’était couchée Marguerite. Sa tête un peu inclinée à droite était plus blanche que l’oreiller blanc sur lequel elle reposait ; la sueur perlait à son front comme l’humidité aux murs qui l’entouraient ; ses mains étaient jointes sur une vieille couverture jaune où çà et là quelques morceaux d étoffe verte et bleue avaient remplacé l’étoffe primitive. De vieux rideaux de serge usés et sur lesquels était peinte à grands renforts de chiens, de chasseurs, d’arbres et de chevaux, l’histoire de Geneviève de Brabant, entouraient le lit. Georges s’approcha de Marguerite sur la pointe du pied pour ne pas la réveiller. À peine si ses yeux voilés de pleurs entrevoyaient l’angélique figure tant aimée, et si belle encore malgré sa maigreur. De temps en temps, elle soupirait avec effort et remuait la tête comme pour échapper à quelque mauvais rêve. Georges ne pouvait croire en promenant ses yeux autour de lui à tant de nudité, de misère et d’abandon. Une vieille armoire mal fermée faisait face au lit ; une planche noire comme du charbon et placée au-dessus de la cheminée était couverte de verres
