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LE PRÉSENT.

— Morte ! morte ! s’écriait Georges en s’arrachant les cheveux. Morte de froid et de faim peut-être ! Oh ! mon Dieu ! pourquoi n’avez-vous point fermé mes yeux avant qu’ils aient vu cela ?

Cependant Marguerite à qui Clotilde prodiguait des soins de sœur, n’était qu’évanouie ; le postillon avait une gourde d’eau-de-vie dont il fit entrer quelques gouttes dans ses dents serrées l’une contre l’autre ; ce puissant tonique la fit revenir à elle ; elle rouvrit les yeux.

— Eh bien ! ma belle, dit madame de Lautages à Marguerite, par quel hasard ?

— Madame, dit Marguerite à voix basse, en baissant les yeux, je vous demande pardon de l’embarras que je vous cause ; le froid, la faim m’ont saisie et je suis tombée !

Georges se tenait à l’écart, sombre, silencieux ; une larme voilait son regard.

— Où alliez-vous donc ainsi ? demanda Clotilde.

— J’allais à Paris.

— À Paris ! dit madame de Lautages, à pied ! et qu’y faire ?

— Mourir, dit Marguerite ; puis elle ouvrit les mains et chercha autour d’elle.

— Ma lettre ! ma lettre ! Où est-elle ? Madame, rendez-moi ma lettre, je vous en prie, c’est le seul souvenir que j’aie de lui ! Ma lettre, vous dis-je, rendez-la-moi !

— Que veut-elle dire par là ? demanda madame de Lautages.

Quand Georges s’était approché de Marguerite évanouie, une des mains de la jeune fille serrait avec force un papier froissé entre ses doigts. Georges l’avait regardé et pris. C’était la lettre qu’il lui avait écrite, il y avait cinq à six jours.

— Oh ! voyez-vous, s’écriait Marguerite, ils veulent le tuer, et moi j’irai avec ma lettre ; et avec ceci, elle montrait un anneau, je verrai l’empereur, et je le sauverai.

Les traits de Marguerite se contractaient, ses yeux étaient comme égarés, un violent frisson secouait ses membres par intervalles.

— La pauvre enfant est folle, je crois, dit madame de Lautages, qu’en faire ?

— Ma lettre ! ma lettre ! répétait Marguerite en pleurant, rendez-moi ma lettre !