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LE PRÉSENT.

ont volé, on les pend ; ils ont tué, on les décapite ; c’est le jeu, Fléchier marque les points, et voilà tout. Assez là-dessus, et je n’y aurais pas insisté si M. Ulbach n’avait méconnu le charme du livre et l’enjouement de cet esprit, parce qu’il a été écril par un petit-collet. Là est la préoccupation mauvaise et indigne d’un critique. M. Veuillot dans le présent a fait tort à l’aimable abbé dans le passé. Parlons-en, de M. Veuillot. Il est rudement secoué et canonisé à coups de bois vert dans le livre de M. Ulbach. Je ne m’étonne que d’une chose, c’est que M. Ulbach lui reproche avec tant d’amertume sa science de l’invective. Lui-même en use largement, et je le crois, de ce côté-là, petit-cousin du célèbre rédacteur de l’Univers. Donc, à quoi bon aller l’attaquer avec ses propres armes, en lui reprochant de s’en servir. Il fait chauffer ses boulets, faites chauffer les vôtres, et visez juste ; mais, au nom du ciel ! ne vous indignez point qu’il ne combatte pas avec une sarbacane. Ceci est une guerre à outrance et n’est point un jeu d’enfant. — Au fond, cependant, je suis certain que M. Ulbach a une secrète admiration pour M. Veuillot. La foudroyante rapidité de ses attaques, l’imprévu de ses reparties, la vigueur de ses coups et la santé de ce langage si plein, si abondant, si bien portant, ont dû plus d’une fois le tenir sous le charme. Il aurait dû l’avouer. Il combat l’homme et ses principes, c’est fort bien, il aurait dû rendre justice à l’écrivain. Ses démonstrations n’y eussent point perdu en évidence et en clarté ; sa logique se fût fortifiée de sa bonne foi.

J’ai plaisir à constater pourtant que M. Ulbach ne se laisse point toujours entraîner au courant de ses idées préconçues. Ce qu’il dit de Paul Delaroche est noblement et loyalement dit. Il est certain que l’auteur des Enfants d’Édouard n’est pas l’artisle préféré du critique ; leur manière de comprendre l’art n’est pas la même à tous deux ; cependant M. Ulbach sait faire taire ses prétentions et ses préférences pour admirer le talent, même dans un camp qui n’est pas le sien. Ces quelques pages sont pleines d’une émotion contenue et d’une raison sévère qui s’asbtient des vaines théories pour se mettre en face des efforts réalisés d’un grand esprit. Il eût mieux aimé ces efforts dans un autre sens, n’importe ! il les louera parce qu’ils sont consciencieux, et qu’ils ont abouti, sinon à des chefs-d’œuvre, du moins à de belles œuvres. Il est bien de savoir combattre, il est bien aussi de savoir admirer et s’élever à l’impartialité.

M. Ulbach, à la fin de sa préface, invoque la critique même rigoureuse ou impitoyable. Elle ne lui ferait point défaut de notre part, il peut s’en assurer, si nous ne partagions, à beaucoup d’égard, ses regrets et ses espérances. Bien entendu qu’il ne s’agit point ici de politique, mais simplement de littérature.

Alexandre Monin.
Étienne MELLIER, Directeur.
Paris. — Impr. Walter, rue Bonaparte, 44.