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LE PRÉSENT.

de la vie spirituelle n’est-il donc pas celui où l’âme vit en elle, sans se séparer de Dieu, vit en Dieu sans se renoncer elle-même : flambeau qui s’allume à un flambeau supérieur, et qui néanmoins brille de sa propre lumière. Le quiétisme a déroulé ces bizarres et tristes conséquences. « L’amour de Dieu, a-t-il dit, doit être pur de tout intérêt personnel. Aussi, lorsque vous priez, ne pensez ni à l’Église qui enseigne, prie et pardonne, ni à l’humanité de Jésus-Christ, ni à la bonté de Dieu : car toutes ces préoccupations vous placent sous l’empire de la crainte et de l’espérance, et corrompent votre amour par des motifs intéressés. Ne pensez qu’à l’immensité divine qui attire les âmes d’élite. Tels les torrents, alimentés par les neiges immaculées des montagnes, déposent sur leur route les corps qui ont troublé la limpidité de leurs flots, et vont s’abîmer dans l’Océan. » Ces audacieuses visées alarmèrent Bossuet, et l’Église condamna avec lui non l’amour désintéressé, mais le mépris de la vie, de l’enseignement et des œuvres. Leibnitz entreprit de réconcilier l’amour désintéressé avec l’action par cette ingénieuse formule : l’amour se complaît dans la félicité de la personne aimée. Mais avant ces grands esprits, plus d’une âme mystique avait vu l’écueil sans y tomber. « L’âme, dit sainte Thérèse, se divise sans perdre son unité ; elle prie et agit à la fois, Marie et Marthe tout ensemble. Si l’oraison de quiétude est la fleur délicate de la piété, les bonnes œuvres en sont les fruits savoureux. »

F. Dulamon.