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DU SOMMEIL ET DE L’EXTASE.

tent et descendent les degrés : symbole, disent quelques interprètes, de la répudiation des Juifs et de la vocation des Gentils. Une comédie de Plaute (le Câble) nous montre un père qui retrouve, à la lumière d’un songe, sa fille depuis longtemps enlevée par un courtier de débauche. « J’ai vu, dit-il, un singe monter sur un arbre pour ravir de petits oisillons. J’ai précipité l’odieuse bête, et je l’ai traînée en justice. Les dieux veulent-ils donc m’annoncer le retour de ma fille retrouvée et défendue par son père, contre le ravisseur qui l’a injustement asservie. »

Un petit nombre de dormeurs somnambules se lèvent et marchent, suivent avec une intrépide précision des sentiers étroits et difficiles, accomplissent méthodiquement certaines fonctions intellectuelles. Un jeune abbé, voué à la prédication, se lève la nuit, et écrit ses sermons dans les ténèbres. Un cuisinier somnambule descend à l’office, et fait tous les apprêts nécessaires pour le repas du lendemain. De pareils actes semblent exécutés avec préméditation et conscience, et cependant il n’en est rien : locomotion à part, le somnambulisme n’est qu’une variété du sommeil, et il en conserve le caractère essentiel, je veux dire l’inertie de la volonté. Éveillez-le par vos clameurs, et il reculera devant le danger qu’il bravait tout àl’henre avec une ignorantehardiesse. Éloignez de lui les objets que cherchent ses opérations nocturnes, continuation passive du travail qui remplit ses journées, et mettez en leur place d’autres objets impropres à ses désirs ; vous le verrez saisir ces instruments dérisoires, et les approprier gravement à un but qu’ils ne sauraient atteindre. On enleva à l’abbé somnambule, encre, plume et papier ; il n’en persista pas moins à écrire sur la table nue avec le premier objet que saisissait sa main, semblable au castor qui ronge encore lorsqu’il ne peut plus édifier. — Le somnambulisme naturel dont nous venons de parler nous conduit à dire un mot du somnambulismeartificiel ou magnétisme. On sait qu’à l’aide de certaines passes ou d’une simple émission de volonté, le magnétiseur plonge le magnétisé dans un sommeil qui revêt des caractères singuliers. « Le magnétisé, disent les adeptes, est insensible aux impressions extérieures, il répond à son magnétiseur avec un merveilleux à propos, il décrit fidèlement des lieux qu’il n’a jamais visités, voit les organes malades et le reméde que réclame leur affection, dénonce les voleurs, et lit les yeux fèrmés.» Belle couronne en vérité, plus riche et plus clairvoyante que celle des rois !