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M. GRANIER DE CASSAGNAC
HISTORIEN.

Par la verdeur de ses attaques, par la décision de son style, par la façon hautaine dont il porte ses opinions, sur l’oreille pour ainsi dire, en bravache et à l’espagnole, M. de Cassagnac s’est fait de notre temps une réputation fort mèlée. Je connais des gens qui ne donneraient pas un fétu de sa belle phrase, de sa science historique et de sa personne tout entière ; j’en sais d’autres qui ont pour lui une admiration sincère, quoiqu’ils n’osentguère l’avouer. Il s’est tant compromis ! Il a dispersé aux quatre vents du ciel et dans vingtjournaux tant de verve, tant d’audace, tant d’éloquence et tant d’injures !

Aujourd’hui M. de Cassagnac de combattant politique aspire à devenir historien ; de la lutte de chaque jour, il passe au récit des faits écoulés ; c’est une transformation difficile qu’il impose là à son talent : aussi n’est-elle pas complète. Le livre nouveau intitulé : Histoire de la chute de Louis-Philippe, de la république de 1848 et du rétablissement de l’empire, est beaucoup moins une histoire qu’une suite de portraits, de jugements, d’articles sur tels ou tels faits que l’auteur suppose connus de son lecteur et ne raconte pas. En vain, on chercherait là le tableau exact de ces années si agitées, si douloureuses qui s’écoulèrent de 1847 à 1852, on n’a guère que les impressions, les colères et les admirations de M. de Cassagnac. Je ne saurais les partager toutes.

M. de Cassagnac a été un champion résolu du gouvernement de Louis-Philippe, le défenseur de M. Guizot et de la politique à outrance ; il a été par conséquent un des vaincus de Février, et on s’en aperçoit à la façon dont il apprécie les deux époques. Il se demande pourquoi la dynastie de Juillet est tombée, et il n’en voit pas bien clairement la raison. Dans une revue rétrospective du règne tout entier, il montre les insurrections s’écroulant les unes sur les autres, les partis hostiles comprimés, les légitimistes impuissants, cinq à six mille républicains à peine s’agi-