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POËMES NOCTURNES.
LE CRÉPUSCULE DU SOIR.

La tombée de la nuit a toujours été pour moi le signal d’une fête intérieure et comme la délivrance d’une angoisse. Dans les forêts comme dans les rues d’une grande ville, l’assombrissement du jour et le scintillement des étoiles et des lanternes éclairent mon esprit.

Mais j’ai eu deux amis que le crépuscule rendait malades. L’un méconnaissait alors tous les rapports d’amitié et de politesse, et brutalisait sauvagement le premier venu. Je l’ai vu jeter un excellent poulet à la tête d’un maître d’hôtel. La venue du soir gâtait pour lui les meilleures choses.

L’autre, à mesure que le jour baissait, devenait plus aigre, plus sombre, plus taquin. Indulgent pendant la journée, il était impitoyable le soir ; et ce n’était pas seulement sur autrui, mais sur lui-même que s’exerçait rageusement sa manie crépusculaire.

Le premier est mort fou, incapable de reconnaître sa maltresse et son fils ; le second porte en lui l’inquiétude d’une insatisfaction perpétuelle. L’ombre qui fait la lumière dans mon esprit fait la nuit dans le leur ; et, bien qu’il ne soit pas rare de voir la même cause engendrer deux effets contraires, cela m’intrigue et m’étonne toujours.

LA SOLITUDE.

Il me disait aussi, — le second, — que la solitude était mauvaise pour