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LE SALON DE 1857.
VIII
Les Inondations. — MM. Ivon, Doré, Penquilly, Garipuy, Henneberg, Mazerolle, Gendron, Mottez, Matout, Lafond, Hockert, Herbsthoffer.

Je ne dirai rien des Inondations : elles sont mauvaises. Je m’étonne que, parmi la légion de nos artistes, et entre les nombreux talents qui se sont essayés à rendre ces déplorables scènes, il ne se soit pas trouvé un homme de cœur, d’énergie et de pitié pour nous émouvoir et nous attacher à sa toile. Amasser sur un tableau une foule déguenillée, mettre un bateau sur le premier plan, et sur ce bateau grouper quelques hommes en uniforme, étendre l’eau dans les rues et dans les plaines, ce n’est rien, c’est l’affaire de quelques coups de pinceau. Mais l’âme de ces foules, l’âme du prince, l’âme du fleuve, est partout absente. Pourquoi riez-vous ou vous étonnez-vous quand je dis l’âme du fleuve ? Lorsque les flots jaunes s’élèvent en grondant, lorsqu’ils montent d’une crûe irrésistible, entrent dans les maisons, ravagent le foyer, emportent le berceau de l’enfant et de l’aïeule ; lorsque les mères se mettent à genoux devant eux, lorsqu’en une heure on verse devant leur colère plus de vœux et de supplications inutiles qu’on n’en fait monter en un an devant Dieu, est-ce qu’il n’y a pas quelque chose dans ces flots indifférents ou courroucés, quelque chose qui s’émeut, qui s’irrite, qui résiste, qui tremble ? Et l’âme des foules, où est-elle ? Où l’avez-vous mise, MM. Antigna, Jeannet-Lange, Lasalle, Lazerges, Moullin ? Dans ces convulsions du désespoir, dans ces luttes contre l’agonie, contre la faim, contre la misère imminente et terrible, vous n’avez tous, les uns et les autres, su montrer que des haillons, des robes fanées, des habits usés ; vous n’avez pas su peindre un visage. Ah ! quel beau tableau vous aurait inventé Diderot, en deux traits de plume, avec un pareil sujet 1 Que de bras il eût tendu vers le ciel ou vers le fleuve mugissant ! Que de mains il eût crispées dans les crises du désespoir, ou fait tomber