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L’ANNÉE DES COSAQUES.

m’a tué est porté ! Il l’a été le jour où rentrant chez moi, les mains teintes du sang de mon meilleur ami, j’ai trouvé Roczakoff expirant et la chambre vide. Mon pauvre vieux serviteur, que t’avait-il fait ? Ne pouvais-tu fuir avec ton amant, sans le tuer comme moi ! Est-ce bien toi qui a été si cruelle, toi qui m’avais ramassé sur la neige, et soigné comme une mère son fils ?


Quand cette lettre te parviendra, je serai mort, couché sous la terre. Ne crains rien, mon spectre irrité ne troublera pas le repos de tes nuits. Je meurs pour t’avoir aimée, Marguerite, je meurs en t’aimant, je t’aimerai dans l’éternité

Ces deux lettres finies, il s’approcha de la fenêtre à travers les carreaux de laquelle on voyait passer et repasser le factionnaire au plumet jaune. Il monta sur sa chaise et appela.

— Grenadier ?

Le soldat se retourna vivement et croisa la baïonnette contre le prisonnier. Georges sourit.

— Ne crains rien, mon brave, je n’ai point l’intention de m’échapper. Approche ici.

L’automate au plumet se mit au port d’armes et approcha.

— La consigne est, dit-il, de ne point communiquer avec les prisonniers.

On avait laissé sa bourse au prince, il la montra au soldat.

Tu vois cette bourse, lui dit-il, en la faisant sauter dans une main, et tu vois ces papiers, il élevait dans l’autre main ses deux lettres, ce que tient la main droite est à toi, si tu veux mettre dans un bureau de poste ce que tient la main gauche. Ce sont deux lettre à ma mère et à ma sœur.

— Gardez votre bourse, mon officier, dit l’autre, ou si vous voulez me donner la valeur d’un ou deux verres d’eau-de-vie, c’est à votre volonté.

Il ne pouvait atteindre aux mains de Georges. Georges ficha les deux lettres sur la baïonnette du soldat, et laissa tomber la bourse à ses pieds.

— Comment t’appelles-tu ? demanda Georges.

— Simon Subianski.

— Eh bien ! Simon, jure-moi que tu remettras ces lettres à la poste.