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L’ANNÉE DES COSAQUES.

bien belle, et par elle j’ai goûté de bien grandes délices. Ô nuits sacrées ! nuits douces ! nuits charmantes ! Étoiles limpides ! Petite cabane ouverte à tous les vents, je meurs en pensant à vous.

« Pardonnez-lui, ô ma mère, la mort de votre fils. Elle m’avait sauvé la vie, elle me la reprend, c’est son bien, elle en a le droit. Et puis, quoi qu’elle ait fait, je suis sûr qu’elle m’a bien aimé ! Elle n’a pas toujours menti ! Que son amour d’autrefois absolve son crime d’aujourd’hui. Ma mère ! ma mère chérie ! Pardonnez-lui, c’est ma prière suprême… Je me jette à vos genoux… Je les embrasse au moment de mourir… Vous pleurez… Vous ne me refuserez pas. On accorde tout aux mourants. Adieu, adieu ! ma mère. Je baise vos mains vénérées, je baise vos beaux cheveux, vos yeux pleins de tendresse qui ne me verront plus et que je ne verrai plus. Ouvrez-moi vos bras et votre cœur ; réfugiez-y mon souvenir, hélas ! il ne doit vivre que là. Le reste de ma vie se suspend à vos lèvres, ô ma mère ; que je les presse, que je les sente encore une fois sur mon front… Adieu, adieu… Toi qui m’as mis au monde, toi qui m’as donné cette vie qu’elle m’ôte. Ne suis-je pas un homme heureux ? Par toi j’ai vécu, je meurs par elle. Que puis-je demander de plus à Dieu ? Et cependant j’aurais voulu vous revoir. Ce sera plus tard. Nous nous retrouverons, j’en suis certain. Aie du courage. Ne pleure pas. Ne sanglote pas comme moi. Mon Dieu, donnez-moi de la force. Adieu, ma mère, adieu. Pardonne-lui. »

La seconde lettre était adressée à Marguerite. La voici :


« Mademoiselle,


« Ceci est une lettre de faire-part. La nuit où vous fuyiez avec votre nouvel amant, je me battais pour vous faire respecter, et en témoignage de votre vertu, je blessais, mortellement peut-être, mon meilleur ami, le comte Ostrowki. Le duel est défendu, j’ai été condamné à mort. Marguerite, je vais mourir pour vous. Est-ce que cette idée ne vous touche pas un peu ? Je me rappelle qu’une fois, dans une de nos conversations vous me disiez : Un jour viendra où nous verrons qui de nous aimait le mieux.

« Ce jour est venu. Qui de nous aimait le mieux ? Répondez, Marguerite ?

« Ah ! malheureuse enfant, tu m’as trompé ! Tu as percé ce cœur con-