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LE PRÉSENT.

— Je les connais, mon général, dit-il en souriant tristement, et j’avoue tout.

De pareilles réponses ne laissaient guère à la commission le pouvoir de se livrer à l’indulgence dont elle semblait pénétrée. Le malheureux enfant courait les bras ouverts au-devant de la mort.

Le conseil se retira pour délibérer. La délibération ne fut pas longue. Au bout d’un instant, les juges reparurent. Personne dans la salle ne pouvait se faire d’illusion. Les aveux de Georges avaient fait évanouir toute espérance. Le général président du conseil se leva, et, touché de pitié devant tant de jeunesse, de courage et d’infortune, d’une voix altérée il prononça ces paroles :

« Attendu que le prince Georges Bariatinski, contrairementà l’ordre exprès de notre très-auguste et très-glorieux empereur Alexandre Ier, czar de toutes les Russies, a provoqué en duel et blessé dangereusement le comte Ostrowki ;

« Attendu que le crime est patent, avéré, et que l’accusé ne cherche mêmepasàlenier ;

« Le conseil de guerre convoqué par notre très-excellent souverain prononce :

« Que le prince Georges Bariatinski sera passé par les armes. Le jugement est exécutoire dans les vingt-quatre heures.

« Une division tout entière y assistera.

« Fait à Paris, le 5 du mois d’avril 1814. »

À la lecture de cet arrêt, Georges fut le seul, dans la salle, qui resta impassible. Il n’y avait là que des hommes habitués à regarder la mort en face ; cent fois ils l’avaient affrontée sur des champs de bataille couverts de cadavres et sillonnés par les boulets ; cependant plus d’un, parmi ces hommes de fer, essuya une larme à la dérobée.

Georges salua la commission, se retourna vers l’auditoire, et, en remerciment de cette sympathie universelle qui entourait son malheur, salua de nouveau.

— Prince, reprit le président, je vous engage à transmettre au plus Vite votre recours en grâce à S. M. l’empereur. Je ne vous cacherai point que le conseil entier l’appuiera.

L’émotion coupa la parole au vieux général. Georges fit de la tête Un signe imperceptible de dénégation.

— Grenadiers, emmenez le condamné t