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L’ANNÉE DES COSAQUES.

tranquillement. Je t’ai à peine vu, dit-elle en l’enlaçant dans ses bras ; et, à cette heure, il n’y a pas de danger.

— Ah ! pas de danger ! Regarde…

Il ouvrit la porte de la chambre. En travers, sur le seuil, était couché Roczakoff ; un flot de sang sortait de sa poitrine.

— Qu’as-tu fait, mon frère ?

— Cet homme t’aurait empêchée de passer, comme il voulait m’en empêcher, moi ; je l’ai tué ! Vois s’il s’agit de perdre le temps ici.

Marguerite s’élança auprès du bon Roczakoff, et lui souleva la tête dans ses mains.

— As-tu fini, sacrebleu ! fit Baptiste en frappant du pied. Est-ce que tu t’intéresses à ce Cosaque ?

— Il est mort ! dit Marguerite. Et elle se laissa tomber sur une chaise en pleurant.

Baptiste enleva sa sœur dans ses bras et se prépara à l’emporter. Elle s’attacha aux meubles en s’écriant :

— Laisse-moi, laisse-moi ; je ne veux pas partir !

— C’est comme cela, dit Baptiste, l’abandonnant et s’asseyant près d’elle. Je comprends… Ah ! tu ne veux pas partir et aller retrouver notre père, que tu as abandonné ! Je commence à voir clair dans toutes les histoires que tu m’as contées, Marguerite… Marguerite, tu es la maîtresse de quelque officier russe !

Et le malheureux jeune homme cacha sa figure dans ses mains en sanglotant.

— Baptiste, je te jure que tu m’outrages injustement.

La sœur était aux genoux de son frère.

— Laisse-moi, laisse-moi à ton tour ! disait-il en la repoussant de la main.

— Ô Dieu ! que lui dire pour le convaincre ?

— Tu ne survivras pas à ton honneur ! s’écria tout à coup Baptiste.

Il se leva d’un bond, s’élança sur son sabre trempé de sang, qu’il avait posé en entrant près de la porte, et il revint sur sa sœur pour la frapper. Marguerite tendit le cou.

— Oui, frappe ! tiens, voilà ma gorge ! Je préfère cela… La mort ! la mort, plutôt que cette vie odieuse qui me pèse ! Tue-moi, mon bon frère, je t’en prie !