Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/262

Cette page n’a pas encore été corrigée
254
LE PRÉSENT.

bach, vous demander raison des mots que vous avez prononcés hier soir sur son compte.

Notre homme est assez grand pour être brave ; il est même fort courageux. Si M. Offenbach a l’œil mauvais, il a, lui, la main bonne ; demandez à M. Achard. Mais non ! se battre contre Offenbach ! jamais ! Pas d’Offenbach !

— Envoyez-moitous les prévôts d’armes, tous les sabreurs, le plus grand peintre de l’époque, je me bats sur-le-champ à l’arme voulue, à la hache, au canon ; mais, avec lui ! qu’on lui bande les yeux ! je n’y vais qu’à cette condition, sinon, non. C’est fini. Messieurs, votre serviteur.

Les témoins se retirèrent, et ils étaient déjà au rez-de-chaussée, qu’ils entendaient encore M. *** murmurer d’une voix étrange : « Jettatore ! Jettatore ! eache tonœil ! »

J’ai plus de chance que M. Offenbach ! Il passe dans un endroit où tout le monde a la santé, la force et la joie ; un instant après, la machine est disloquée’ les meubles cassés, les hommes tués, les femmes trompées ! J’ai porté bonheur, moi, au lieu de porter malheur ! Cette Revue de Paris, dont je creusais la fosse, n’en est pas du tput aux articles de la mort. Que voulez-vous ? on me l’avait assuré ; qu’elle vive, et longtemps ! Je lui souhaite un succèsimmense, et je désire que M. Ducamp fasse d’autres livres, M. Ulbach aussi, M. Laurent-Pichat un peu moins ! Je signe d’avance leur feuille de route pour le Panthéon, et je déchire l’extrait mortuaire que j’avais fait imprimer tout vif.

Mais aussi, comme disent tous les chroniqueurs, le temps est si mauvais, parce qu’il est si beau ! Paris est désert ! Les collégiens eux-mêmes sont partis ; il ne reste plus au faubourg Saint-Germain, sur le boulevard, à la Chaussée-d’Antin que les bons bourgeois, les mauvais coulissiers, les employés et les pauvres. On a pris ses plus belles robes, son air le plus gracieux, son sourire le plus aimable ; on a fait provision d’anecdotes qu’on improvisera dans le salon le plus comme il faut des eaux. Tout est prêt, mari, bagages, domestiques, amoureux ! « En route, postillon ! fouettez fort, mon fils ! dix francs de guide ! » Eh non ! le postillon est mort, la malle-poste est morte, les chevaux sont morts, la France est morte ! Il était là, tout entier, l’esprit de la France, dans ces malles-postes rapides, courant au clair de lune, comme de grands oiseaux, le long des grands bois, soulevant joyeuses la poudre du chemin, traînant avec elles la gaieté et la vie ! Il fallait bien trois jours et deux nuits ; mais aussi, l’on s’arrêtait dans les villages bordés de peupliers, les enfants criaient, les chiens jappaient, les paysannes fraîches et roses vous souriaient au passage, les demoiselles timides mettaient le nez à la fenêtre, l’hôtel était sens dessus dessous, les fourneaux s’allumaient, les servantes se démenaient : c’était un tapage, mais un tapage ! Et puis la diligence arrivait, grande comme l’arche de Noé ! Le conducteur sonnait de la trompe, l’écho des forêts répétait là-bas la fanfare, et l’on avait faim, et l’on