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LE PRÉSENT.

engage seulement il lire l’affiche, en prenant votre courage à deux mains. L’un des auteurs, du reste, M. Brisebarre, revient du purgatoire. Il a passé par l’Odéon et la Gaité avant d’arriver ici. On dit même que les diables l’ont beaucoup tourmenté en voyage. Dieu veuille qu’il gagne le paradis — et le parterre !

Il peut, du reste, échouer encore ; j’ai, pour me consoler, la pièce de monsieur… devinez qui, de M. Proudhon en personne ! Je ne parle que par ouï-dire ; mais on annonce très-sérieusement une comédie du grand Franc-Comtois, qui s’appellerait l’Intérieur de la statue. Cette statue mystérieuse, que contient-elle ? Un Gaulois armé d’un bâton qui frappera de droite et gauche sur les paradoxes et les préjugés, sans merci ni pitié. Qui le sait ? Et d’ailleurs, la nouvelle est-elle bien vraie ? je n’ose y croire ; et vous, lecteur, qu’en pensez-vous ?

Ce que je puis donner comme certain, c’est l’apparition prochaine de M. Rouvière dans le roi Lear. Il faut l’entendre, cet homme nerveux, brûlé par la fièvre, réciter dans son cabinetles pages terribles de Shakspeare. Que sera-ce donc, quand tout marchera, s’agitera, criera autour de lui ; quand ceux qui le virent dans Hamlet, le regarderont haletants, émus, effrayés, dans son rôle nouveau ? C’est au Cirque que M. Rouvière jouera, et c’est au mois d’octobre que sera donnée la première représentation.

Faut-il parler un peu de l’Exposition ? Vous savez comme moi que M. Yvon a la grande médaille ; mais vous ne savez pas, vous qui ne faites pas de chronique, à qui M. Yvon doit cet honneur.

M. Horace Vernet entra l’autre jour dans son atelier, tout agité, en sueur.

— Ma foi ! fait-il tout essoufflé, ce n’est pas sans peine !

— De quoi s’agit-il ? disent les élèves en s’approchant.

— Eh oui ! la médaille d’honneur ! le gouvernement voulait la donner à Baudry ; on n’avait même guère envie de la donner à personne. Enfin, c’est Yvon qui l’a ! Il peut dire qu’il me la doit, je vous jure !

— Vive Yvon ! vivent les peintres de bataille ! a crié l’atelier ; et tout le monde a été content, M. Vernet et M. Yvon.

M. Baudry ne l’est peut-être pas trop ; il a toujours une première médaille. L’autre appartient à M. Bouguereau.

— C’est un beau début.

Quant aux sculpteurs, ils savent déjà que les deux premières médailles sont destinées, l’une à M. Aimé Millais, l’auteur d’une Ariane abandonnée ; l’autre à M. Montagny, qui a envoyé un Saint Louis. Pour les secondes, M. Guitton (Gaston) en a, dit-on, une. — C’est sa statue de jeune femme qui lui vaudrait cet honneur.

En dehors de l’Exposition, l’Institut a un peu travaillé — au bonheur de M. Jouffroy. On connaît ses titres de gloire. Son fronton des Jeunes Aveugles, que j’ai vu hier, et qui représente je ne sais plus quoi, lui fit avoir la décoration. Il avait mérité l’estime des hommes de goût et des appréciateurs distingués, le jour où il