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LE SALON DE 1857.
I
GENRE. — M. Robert-Fleury.

L’ingénieuse antiquité représentait les Grâces sous la figure de trois jeunes sœurs, également nues, également belles, les mains enlacées et formant un chœur éternel de douce joie, d’élégance et de jeunesse. Ainsi l’on pourrait se figurer les trois arts libéraux, littérature, peinture et musique. Ils passent par les mêmes alternatives de grandeur et de petitesse, de détresse et d’honneur, d’inspiration et d’appauvrissement. Aujourd’hui, qui pourrait nier qu’il y a en littérature une halte, un moment de fatigue et de repos ? On a abandonné les grandes compositions ; le roman a fait place à la nouvelle, la comédie au vaudeville, la poésie à la prose ; on n’a plus souci de faire une œuvre qui triomphe du temps et de ses outrages, comme disaient nos anciens,on. ne veut que faire court et vite. C’est là ce qui plaît au public, pourquoi ne pas le servir à sa fantaisie, ce maître superbe ? Ainsi, en musique, on fait un petit acte ou deux, les hardis vont jusqu’à trois, remplis d’accords faciles, bientôt adoptés et colportés par les orgues de Barbarie ; on recule devant la musique sacrée et ses larges accents, devant l’opéra en cinq actes et ses dramatiques et puissantes voix. On compte cent Adam pour un Verdi. Il en va de même en peinture. Le goût du jour s’accommode peu des vastes compositions historiques, des grands tableaux longuement médités et lentement exécutés ; il veut quelque chose de léger, de joli, qui ne fatigue point l’attention et l’admiration. Les peintres se plient à cette fantaisie. Ils laissent là l’histoire et ses tragédies, le Christ sur son calvaire, les vierges pàmées de douleur au pied de la croix ; ils ptinturlurent, à main levée, de petites femmes roses, des bonshommes de pain d’épice et des scènes d’intérieur grandes comme ça. Je sais bien qu’il faut vivre, et que, pour vivre, il faut plaire à ce public qui tient les cordons de la bourse ;