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UN TRIO D’AMIS.

Ces réflexions me sont venues à la suite de la lecture d’une poëme d’opéra-co mique intitulé : Un trio d’amis.

Les caractères naïfs sont reliés par une intrigue légère ; mais il s’exhale de toute l’œuvre un arôme gaulois. La rareté de ce parfum littéraire m’engage à commettre une indiscrétion et à livrer aux amis de Rabelais quelques fragments d’un libretto inédit et inachevé.

Le théâtre représente un carrefour ; à gauche, au premier plan, un cabaret avec tonnelle ; à droite un hôtel magnifique.

PERSONNAGES :

PANTAGRUEL.

JEAN.

PANURGE.

UN EXEMPT.

PAQUETTE.

SCÈNE PREMIÈRE. (Il fait encore nuit.)

PANURGE, dans un costume déplorable ; il s’oriente.

Où suis-je ? — Ah ! je me reconnais ; — je ne me reconnais que trop, hélas !… Mais qui reconnaîtrait, ainsi fait, le brillant Panurge, ce compagnon vermeil comme un raisin, gai comme un verre, spirituel comme une bouteille, et entraînant comme un festin ? Ô ma fortune ! ô mes amis !… ô mes amours !… Tout cela est parti ensemble… Il n’y a que la misère qui s’acharne à me rester fidèle. J’ai bien l’intention de la fuir, mais les occasions me manquent. — Ces habits me font du tort : ils détruisent la confiance publique dont j’ai besoin. Tout va mal ; mes souliers boivent, mais moi !… Jadis l’appétit me venait en mangeant ; aujourd’hui il m’arrive en ne mangeant pas. — Mes créanciers m’ont mis dehors sous prétexte que je les voulais mettre dedans. — Ô terre ! m’accorderas-tu ton humide hospitalité ? (Il mesure le sol pour s’y coucher.)

SCÈNE II.

PANURGE, L’EXEMPT.

L’EXEMPT, à part.

Cet homme m’a bien l’air d’être logé dans la peau de mon voleur de comestibles. (Haut) Que faites-vous là ?