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LE PRÉSENT.

et il expose le chàtiment de ce drôle après que sa venimeuse éloquence eut triomphé de la justice et du grand philosophe. Il était venu s’asseoir devant des tréteaux d’histrions. Aussitôt ils interrompent leurs jeux, et hommes, femmes et enfants, tous s’éloignent, il reste seul avec son déshonneur. Les femmes de M. Mottez sont bien Athéniennes ; leurs belles têtes, leurs cous robustes supporteraient sans plier la corbeille mystique aux fètes de Cérès, ou l’urne des Canéphores ; l’ampleur de leurs robes voile des contours pleins de gràce et de charme ; la dignité de leur démarche témoigne qu’elles sont nées dans la ville chère à Minerve. Une chose m’étonne, ou plutôt m’amuse, c’est l’indifférence de Mélitus. Le drôle n’a pas l’air de s’apercevoir de l’effet causé par sa présence, ou plutôt il s’en aperçoit, car il s’en moque. Un sourire d’ironie erre sur ses lèvres. Comme tous les gens tarés, il méprise les hommes et leurs jugements ; mais, patience ! le sourire des lèvres voile quelquefois le cri de la conscience, et Mélitus le moqueur se pendra. — M. Mottez a spirituellement compris cette figure et largement composé l’ensemble de son tableau.

M. Matout, chargé de la décoration du grand amphithéâtre de l’École de médecine, a exposé deux toiles vraiment magistrales. En 1295, le chirurgien Lanfranc, exilé de Milan, vint à Paris, et, à la prière du doyen de la Faculté, Jean de Passavant, ouvrit les premiers cours de chirurgie qui aient été faits en France. M. Matout nous fait assister à l’un de ces cours. La pose et la tête du professeur sont pleines de dignité et de noblesse. Calme et grave, enveloppé dans une longue simarre rouge, il expose, à n’en point douter, quelque nouvelle et merveilleuse théorie, si j’en juge par l’attention profonde des élèves groupés devant lui. Elèves de tout âge et de toute condition. Il y a des jeunes gens, des hommes faits, voire même des vieillards. Quelques-uns prennent des notes, les autres fixent les yeux sur l’orateur, mais tous écoutent religieusement. La variété des attitudes, le pittoresque des costumes, la façon dont le peintre a su varier le phénomène de l’attention sur les diverses physionomies, lui font le plus grand honneur. C’est avec le même bonheur qu’il a peint Desault instituant la première clinique chirurgicale à l’Hôtel-Dieu de Paris.

La Chute des anges rebelles de M. Alexandre Lafond est une œuvre d’audace et de talent. Au plus haut de l’éther, un ange, dont l’épée flamboie, presse la fuite des mauvais anges. Ceux-ci, éperdus, sillonnés de coups de foudre, roulent la tête la première dans l’espace et tombent d’une chute irrésistible. Peut-être M. Lafond a-t-il un peu abusé de la manière noire ; ses tons sont peut-être un peu trop bitumineux, mais ses raccourcis sont justes, les muscles bien accusés ; le dessin est net et vigoureux ; les figures ont de l’énergie : c’est une bonne promesse, et mieux qu’une promesse de talent.

M. Hockert est un peintre suédois qui emprunte ses sujets à son pays, et qui a raison. Rien, en effet, de plus pittoresque que sa Famille de pêcheurs dans la