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LE PRÉSENT.

Un soir, elle me regardait de travers, se donnant bien de la peine pour paraître sérieuse, et me répondant du bout des lèvres. De fréquents soupirs soulevaient sa poitrine, et ses yeux étaient un peu rouges, comme si elle avait pleuré.

— Ma mie, lui dis-je, serais-tu malade ?

— Non, monsieur.

— Monsieur !… oh ! le vilain mot ! Qu’as-tu ? A-t-on manqué ta dernière robe, fripé ton bonnet de dentelle bleue, ou coupé la queue de ton griffon ? Qu’as-tu, enfin ?

— Rien, mon ami.

— Je t’assure que tu as quelque contrariété.

— Oui, j’ai… j’ai… que vous ne m’aimez pas assez.

— Moi !… Rosette, ne viens-je pas tous les soirs te tenir compagnie, me rouler à tes pieds sur ce tapis, jouer avec ta pantoufle ?

— Vraiment, vous êtes bien à plaindre !

— Conte-moi ton chagrin ; n’es-tu pas ma vie ?

— Vous ne m’avez pas embrassée hier en partant, Edgard, et je nu vous aime plus.

— Si je te donne cent baisers, me pardonneras-tu ?

Elle retira sa main que je portais déjà à mes lèvres.

— Je suis trop bonne pour vous, reprit Rose après un court silence, et vous faites de moi tout ce que vous voulez. Cette fois, je me révolte. Agenouillez-vous devant moi, à deux genoux, s’il vous plaît ; dites-moi des choses aimables, et regardez-moi pendant toute la soirée.

— La pénitence est douce, je tâcherai de recommencer. Puis-je parler, au moins ?

— Oui, répondit-elle ; mais soyez galant, Edgard. Voilà qui vous embarrasse !

Je voyais entre ses doigts distraits naître, maille à maille, une ; bourse or et cerise.

— Tu as dans les mains un vrai bijou. Est-ce pour une loterie de bienfaisance ?

— Ces hommes, c’est curieux ; cela veut tout savoir. La trouves-tu jolie, ma bourse ?

— À rendre jalouse la fée Mab.

— Eh bien ! vilain ingrat, elle est pour toi. Je te la donnerai tout à l’heure, afin que tu penses un peu aux pauvres et beaucoup à moi.