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LA ROSE DU BENGALE.

qu’elle le voudrait. Elle ne le voulait pas. Elle avait pourtant livré à ses baisers sa main et même sa joue. Quelle imprudence ! Ne craignez rien : jamais Albert n’était si loin de Mariette qu’auprès d’elle.

Quoique le plus heureux des hommes, il était le plus infortuné des amants. Il séchait sur pied, et toute sa vie s’était réfugiée dans son aveu. Marietta était bien un peu coquette, mais, ajouta-t-il, la coquetterie donne du prix à la beauté comme la lumière au diamant. Il ne songeait plus à l’épouser, tant il l’aimait, et il l’aimait toujours follement. La pressait-il ou allait-il trop loin, elle se défendait par des larmes, et il essuyait ses yeux comme on doit essuyer deux beaux yeux qui pleurent et qu’on aime. La coquette gagnait du temps, et l’amoureux s’imaginait ne pas perdre le sien.

Je dois rendre à Mme de Marsec une justice : elle ne voyait rien, probablement parce qu’elle ne regardait pas. D’ailleurs, n’étais-je pas une barrière entre elle et eux ? Puis la jolie tante, — soit dit sans médisance, — était friande de billets doux, qui, grâce à Dieu, devinrent inutiles et que nous nous chuchotions à l’oreille, sans préjudice de ces regards qui valent de longs discours. Je ne sais rien d’agréable comme les préliminaires d’une liaison ; c’est, à chaque instant, une surprise nouvelle et une joie sur laquelle on ne comptait pas. De jour en jour l’on chemine en se tenant la main, on marche d’un pied lent ou l’on se hâte vers cette heure périlleuse où tombent tous les voiles. Un beau matin, Albert, comme l’enfant prodigue, revint dans notre demeure commune. Son air chagrin me présagea une mésaventure.

— Te voilà, mon ami ! lui dis-je. Que viens-tu faire ici ? Il y a donc du nouveau ?

— Edgard, elle part.

— Qui ?

— Marietta. Elle savait son départ prochain et gardait le silence.

— Pour ne point t’affliger sans doute. Les femmes sont si bonnes !

— Je suis désespéré. Plains-moi.

— Que faire ?

— Je ne sais rien, sinon que je l’aime.

— Où va-t-elle ?

— En Espagne.

— Diable ! c’est loin.

— Que je suis malheureux !