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LA ROSE DU BENGALE.

femme admirablement belle, j’en conviens ; pourtant elle ne sera pourtoi qu’un portrait ; elle t’accordera tout, excepté ce que tu souhaites ; et toi, pauvre affamé, assis devant une table chargée de mets exquis, tu voudras manger et boire, mais elle te laissera mourir d’inanition. Marietta, la belle Marietta n’aime qu’elle et se moque de toi.

— C’est un ange, reprit Albert.

— Tu sauras, mon ami, que toutes les femmes sont des anges, et je gagerais que Marietta a deux ailes blanches repliées dans son corset.

— Raille à ton aise.

— Non, je ne raille point, morbleu ! Que signifient ces façons-là ? où est ta gaieté habituelle, cette robuste compagne de la vie ? Demain peut-être tu m’apporteras des larmes ; si tu avais dix-huit ans, je t’excuserais de courir après une folie sans bonheur probable.

— Voilà comme vous êtes tous, interrompit Albert ; vous reprochez au cœur de manquer de raison.

— La raison et le cœur sont deux amis qui doivent mener l’homme, l’un par la main gauche, l’autre par la main droite. Le cœur nous réchauffe, la raison nous éclaire.

— J’épouserai Marietta, reprit mon ami qui ne m’écoutait plus.

— Tu ressembles à un malade qui rêverait le suicide.

— Oui, elle sera ma femme.

— Bon ! nous verrons, nous verrons. Je ne te donne pas un mois pour la haïr de toute ton âme.

— Pourquoi ?

— Elle est coquette.

— Vraiment !

— Et capricieuse.

— Continue.

— Et sans cœur.

— Achève.

— J’ai dit.

— Et bien ! mon cher Edgard, je l’aime telle qu’elle est, et l’aimerai toujours.

— Parbleu ! c’est évident. On aime toujours, jusqu’à ce qu’on cesse d’aimer ; je te connais environ une douzaine d’amours éternelles.

— Mais elle, c’est autre chose.

— Cette phrase-là, combien de fois me l’as-tu répétée ? Ah ! cœur.