— Oui, à présent, il faut que je te quitte.
— Où est ton régiment ?
— Resté à Brienne, à Montmirail, à Montereau, à Nogent, partout où on s’est battu. Nous étions encore quelques-uns hier, nous nous sommes fait finir dans les faubourgs. Nous ne sommes plus, à cette heure, qu’une douzaine ; nous devions quitter Paris ensemble, cette nuit, pour aller retrouver l’Empereur ; je vais aller dire à mes camarades qu’ils partent sans moi, que je les rejoindrai. Bon courage, à cette nuit.
— Au revoir, mon frère, dit Marguerite en se jetant à son cou.
— Au revoir, ma petite Marguerite. Ta prison ne m’a pas l’air désagréable. Tu peux bien y passer quelque temps encore. Ce ne sera pas long.
Baptiste sortit rapidement, en lançant à Roczakoff, assis dans l’antichambre, un regard chargé de colère et de haine.
Dix minutes à peine s’étaient écoulées quand Georges rentra, accompagné dit comte Ostrowki.
— Mademoiselle, dit celui-ci, je viens chez vous en ambassadeur. Veuillez prendre connaissance de cette lettre, que je suis chargé de vous remettre de la part de notre gracieux souverain.
Ostrowki présentait respectueusement à Marguerite une large mis. sive ornée d’un immense cachet rouge aux armes impériales. Elle la prit en tremblant, et lut ce qui suit :
« Mademoiselle, j’ai appris avec plaisir que votre guérison ne s’était point fait attendre. Vous m’avez conservé un bon et fidèle sujet, un brave et loyal soldat, je vous dois des remercîments ; acceptez-les. Si jamais vous formez un vœu qu’il soit en mon pouvoir de réaliser, cette lettre vous en assure l’accomplissement. Veuillez aussi rece-. voir, avec tous mes compliments, ce que M. le comte Ostrowki vous offrira de ma part. « Alexandre. »
Marguerite, surprise, leva les yeux ; Ostrowki lui présentait une magnifique bague enrichie de diamants. Elle regarda Georges avec embarras.
— Prenez, ma chère, lui dit-il en souriant, pareille grâce ne se refuse jamais.
— Mais comment Sa Majesté peut-elle s’intéresser à moi à ce point ?
— Ce bavard d’Ostrowki a tout raconté.