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L’ANNÉE DES COSAQUES.

Marguerite rougit et se tut.

— Il est mort ! s’écria le jeune homme d’une voix déchirante.

— Non, mon frère, rassure-toi ; il vit, il se porte bien, il pense à toi, toujours à toi ; et la tête penchée sur le sein de son frère, elle cherchait à y cacher sa rougeur.

— Pauvre père ! je le reverrai ! Mais comment te trouves-tu ici, Marguerite ?

Baptiste regardait d’un œil étonné les splendeurs de l’appartement dans lequel il voyait sa sœur.

— Il y a loin de Saint-Just à Paris, de notre cabane à cette belle chambre dorée.

— Notre cabane, mon ami, elle n’existe plus.

— Brûlée, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Oh ! les Cosaques ! Va, ma bonne sœur, si tu me revois aujourd’hui, ce n’est pas faute d’avoir cherché à me faire tuer. Les balles n’ont pas voulu de moi.

Le jeune soldat, accablé, se laissa aller dans un fauteuil d’ébène où il s’enfonça moelleusement. Il se releva soudain et s’écria, la lèvre crispée :

— Mais tu ne m’expliques pas comment je te vois ici ! Crains-tu de me répondre ?

— Mon ami, mon frère, je voulais te revoir ; j’ai quitté Saint-Just pour aller à ta recherche.

— Tu as eu tort de quitter notre père. Mais encore, cet hôtel, ces meubles, ce luxe

— Je me suis trouvée, hier, au milieu du feu à Belleville ; j’ai fait comme je voyais faire ; j’ai tiré des coups de fusil aux Russes ; je me suis évanouie, j’ai été transportée ici, où je suis prisonnière.

— Ah ! tant mieux. J’avais peur, vois-tu.

— De quoi ?

— Rien, rien, une sottise, dit Baptiste en passant la main sur son front où perlait la sueur. Ainsi, tu ne peux pas sortir avec moi ?

— Non, pas maintenant.

— C’est bon, je sortirai seul. Mais, tiens-toi prête. Je reviendrai cette nuit, entends-tu.

— Cette nuit ?