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L’ANNÉE DES COSAQUES.

— Georges, je suis bien heureuse de vous voir, parce que je puis tout vous dire à vous. Georges, m’aimez-vous toujours ?

— Moi, Marguerite, ai-je jamais cessé d’être à toi ? Mais toi, toi…

— Je t’aime toujours, Georges.

— Et ce Jarry ?…

— Puisqu’il faut tout vous dire, voici la vérité tout entière, dit Marguerite redevenant sérieuse. Vous savez la sévère mission du comte Ostrowki, et comment il l’a remplie ; mon père était un des plus compromis ; il s’est caché avec Pierre Jarry, et comme mon père ne voulait plus voir sa fille, vous savez pourquoi, Georges, ce bon Pierre m’apportait des nouvelles la nuit, au risque de sa vie. Voilà tout, je vous le jure.

— Pourquoi ne l’avoir pas dit sur-le-champ ?

— Georges, vous me demandez la vie de mon père ! Et Ostrowki qui était là !

— Oh ! pardon, pardon, je suis un fou. Est-ce bien vrai tout ce que tu me dis là ? — Mais oui, cela peut être, — cela est certainement ; — aussi j’étais étonné que tu m’eusses trompé, toi, Marguerite, — j’étais sûr que quelque mystère était caché là-dessous. — Oh ! je suis fou de bonheur ! — Ton amour, Marguerite, c’est mon soleil. Je ne sais quel mauvais génie avait soufflé dessus, et j’étais triste, triste dans des ténèbres sans nom. Voici le jour, à présent. Je le revois. Oh ! bonheur ! oh ! lumière !

Georges couvrait d’ardents baisers les mains de Marguerite.

— Je savais bien qu’il était impossible que tu fusses coupable, et pourtantj’eusse mieux aimé recevoir un boulet en pleine poitrine qu’entendre ce fatal aveu, dans cette affreuse nuit ; — c’est fini, n’y pensons plus. Et, —la figure rayonnante, Georges continua gaiement : — D’abord, mademoiselle, je vous préviens que vous ne m’échapperez plus maintenant. Je vous l’ai dit, vous êtes ma prisonnière, et je vous assure que je vous ferai garder avec soin. Fusillée, si vous tentez de vous échapper, voilà !

— Oh : mon Dieu ! Et Jarry, qu’est-il devenu ? C’est à cause de moi qu’il a été pris !

— Ma chère Marguerite, je cours de ce pas demander sa grâce à l’Empereur. En m’attendant, voici des habits que j’ai fait venir pour remplacer cette affreuse blouse que vous allez ôter, j’espère ; voyez s’ils sont à votre taille ; je vous laisse.