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LE PRÉSENT.

Contemporains auraient, paraît-il, dénaturée. L’artiste s’appelait Mme Paradol, et son fils, un des élèves de cette école normale qui a laissé échapper MM. About, Taine, Monin, est à cette heure rédacteur du premier-Paris, aux Débats. Le jeune écrivain a voulu protéger son passé contre les attaques de M. de Mirecourt. Il y a plus, du reste. Dans l’article incriminé, on reprocherait presque à M. Paradol d’avoir reçu de M. Mirès la fameuse lettre dont parle Proudhon : « Monsieur, j’ai l’honneur de vous annoncer que je vous ai inscrit pour tant d’actions dans l’affaire, etc., etc. » Insinuation perfide bien faite pour blesser un écrivain des Débats, surtout quand il doit en ètre un jour le rédacteur en chef ! Ne parlait-on pas dernièrement d’accomplir une terrible révolution dans l’intérieur du journal antique ? La maison tranquille devait être bouleversée de la cour au grenier. L’élément révolutionnaire dominait la situation nouvelle. Qui lançait-on en avant, pour tenir le nouveau drapeau ? M. Paradol lui-même. Derrière qui ? derrière M. Thiers, cet agitateur stérile, que la fièvre dévore et que le silence étouffe.

Certes, M. Paradol a bien fait son chemin, depuis le jour où je l’ai vu recevoir au concours sa dernière couronne ; et c’est peut-être l’occasion de dire que les lauriers de collège ne ceignent pas toujours le front des impuissants, et que les prix d’honneur ne tournent pas tous au poisson comme Léonidas Requin, ou au pilier d’estaminet comme Raoul Desloges.

Il y a comme cela, de par le monde, bien des petits préjugés qu’il faudrait détruire, sans parler des grands, qu’on devrait corriger un peu. Il n’a été question, l’autre semaine, que de la querelle soulevée entre deux peintres, dont l’un n’expose ni ses tableaux ni sa personne. On a beaucoup parlé, à ce propos, du duel, un beau mais bien terrible préjugé ! et je me suis souvenu d’une histoire que me raconta jadis mon vieil oncle.

Il avait, ce pauvre oncle, le tort d’ètre amoureux fou d une femme charmante, qui riait bien fort de lui avec un hobereau de province, blond, bien taillé, insolent. Un jour, il insulta gravement cet homme, qui se fâcha tout rouge.

— Vos heures, vos armes, où sont vos témoins ?

— Mes témoins, ils seront à l’endroit que vous choisirez. Point n’est besoin de les déranger aujourd’hui. Mon heure est la vôtre, mon arme, le pistolet.

On se donne donc rendez-vous pour le lendemain dans un champ écarté. L’insulté se charge d’apporter les armes, qui sont acceptées d’avance.

Ils étaient là, au point du jour, l’adversaire de mon oncle et ses deux témoins. Mon oncle n’arrivait pas.

Me voici, fit-il tout d’un coup en enjambant la haie. Ici, Castor ! César ! ohé,