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LE PRÉSENT.

res, ils lui sont, on le sent, arrachés par le désespoir et la faim ; qu’un morceau de pain arrive, ou un gîte, ou une espérance, et le voilà converti aux bons sentiments ; des vers pleins de repentir et de clémence tombent de sa plume, et mouillent de larmes les yeux de ses lecteurs. Alors sa poésie a la grâce suave de celle d’André Chénier, ses chansons ont de l’air, du sentiment, du soleil, de l’amour, et ses épigrammes sont si douces qu’elles ressemblent à une main amie qui se pose délicatement sur une blessure pour la guérir.

Les mauvaises fréquentations, on le voit, ne l’effleurèrent que pour lui donner le regret de l’ancien état de son âme auquel il va revenir avec l’énergie de l’expérience. Écoutez plutôt sa chanson des Deux amours, et vous verrez qu’au milieu des égarements les plus déplorables, ses pensées intimes s’envolent vers les souvenirs les plus purs et les tendresses les plus honnêtes.


LES DEUX AMOURS.


Pourquoi donc, jeune Laïs,
Rêveuse au bord de ma couche,
Sur mes amours au pays
M’interroger bouche à bouche ?
J’ai, pour eux, dans nos déserts,
Chanté sur toutes les notes…
Mais, à propos de mes vers,
Faites donc vos papillotes.
Vous soupirez, et pourquoi ?
       Riez vite,
       Ma petite ;
Vous soupirez, et pourquoi ?
Riez vite, et baisez-moi.


Un ange sut me charmer,
Un ange au cœur pur et tendre.
De loin, content de l’aimer,
De la voir et de l’entendre,
Je la suivais sans repos,
Et mes lèvres enfantines
Baisaient sa trace… À propos,
Délacez donc vos bottines.
Vous soupirez, et pourquoi ?
       Riez vite,
       Ma petite ;
Vous soupirez, et pourquoi ?
Riez vite, et baisez-moi.


De sa bouche quand j’ai su
Obtenir enfin : Je t’aime !
Les mains jointes j’ai reçu
Son baiser comme un baptême ;