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LE PRÉSENT.

des tons si rouges et si cuivrés, et j’ai été revoir la simple et belle saltimbanque.

Depuis longtemps, M. Bellangé s’est conquis une belle place dans la peinture de batailles. Cette année encore, il a dignement soutenu sa vieille réputation. C’est une chose touchante que Les dernières volontés. Un vieil officier à cheveux gris est étendu à terre tout de son long. Il est blessé et ne se relèvera point. Devant lui est agenouillé un soldat qui reçoit de lui sa montre et sa croix. Tous deux sans doute sont du même village, et celui qui reste devra, s’il survit, remettre ces gages d’une dernière pensée à la famille du mort. À présenter ainsi, et sous la plume, cette scène prend quelque chose de mélodramatique, de forcé et de faussement sentimental qui pourrait faire mal juger du tableau. Son mérite, au contraire, c’est sa grande simplicité et sa grande vérité. La douleur du mourant et de son exécuteur testamentaire reste digne, calme et grande. Point de cris, point de pleurs : silence et résignation. Cependant à dix pas d’eux la fusillade fait rage et le combat continue. Est-ce imitation de rencontre, calcul ou hasard ? L’officier est couché justement de la même façon et exactementdans la même posture que le duc de Guise de M. Paul Delaroche.

Je ne demanderais pas mieux que de trouver très-beau le tableau de M. Carlier : Locuste essayant des poisons sur un esclave, c’est un titre séduisant. Pour peu qu’on aime à relire de temps en temps son Tacite, on voit tout d’abord la vieille empoisonneuse à qui Néron eut tant de fois recours ; son visage maigre et ridé, son atroce insensibilité devant les douleurs du malheureux qui est sa victime ; pour peu qu’on ait lu Melœnis et qu’on ait quelque imagination, on oit son bouge gonflé de venin de toute sorte, et les serpents enfermés dans les bocaux, et les crocodiles suspendus au plafond, et les crapauds sautillants dans l’humidité de tous les coins. Et tout cela pourrait être, en effet, une horreur très-agréable à voir ; malheureusement on ne voit rien du tout dans le tableau de M. Carlier. C’est une nuit complète. Pourtant : il m’a semblé, au milieu des ombres épaisses qui couvrent cette toile, démèler une certaine vigueur, une certaine furie de brosse, une assez grande énergie de dessin. Mais tout cela reste à l état de soupçon et d’espérance. M. Carlier ne pourra que gagner à introduire un peu de jour dans ses tableaux :

M. Carlier s’était adressé à Tacite, M. Hillemacher est allé frapper à la porte de Lesage pour lui demander un sujet. Ouvrez mon Gil-Blas, a-t-il répondu, vous y trouverez à foison des scènes gaies, lugubres, pathétiques, comiques, tragiques, tout le répertoire de la vie humaine avec ses différents masques et ses changements à vue et ses décors variés. M. Hillemacher a ouvert Gil-Blas, et il a fait Les deux écoliers de Salamanque. Lesage lui a porté bonheur, car son tableau a du mérite. Ces deux écoliers cheminaient un jour côte à côte dans la poussière à la chaleur du jour. Tout à coup, au détour du chemin, ils rencontrèrent une pierre qui semblait être une pierre de tombeau. Ils jetèrent, dit Lesage, de 1 eau