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L’ANNÉE DES COSAQUES.

provisé. Les cavaliers n’étaient plus qu’à vingt pas de la petite troupe. Sans bien savoir ce qu’elle faisait, Marguerite tira ; un officier brodé et galonné sur toutes les coutures, qui galopait le sabre haut de deux ou trois longueurs de cheval en avant des soldats, tomba ; les cavaliers, un moment indécis, se mêlèrent, puis tournèrent bride.

— L’innocent a eu la main heureuse. Bien, bien, mon petit blanc bec ! Un bon coup que tu as fait là ! dit le fantassin. Comme ils courent !

Ce disant, il rechargeait son fusil ; Marguerite, toute troublée, imitait d’instinct ses mouvements.

— Ah ! conscrit, tu ne sais seulement pas la charge en douze temps. Tiens, regarde-moi faire.

Et le complaisant soldat chargea lui-même le fusil de Marguerite, qui regardait de tous ses yeux. La première frayeur s’était dissipée ; elle se disait en elle-même que le moment était venu d’expier ses fautes passées ; elle reprit son fusil sans trembler et dit :

— C’est bon ! A présent, je saurai comment m’y prendre.

Elle s’élança en avant. Tout le monde la suivit. Cette course rapide les porta jusqu’au haut de Belleville. Arrivés là, ils ne virent autour d’eux que quelques hommes tirant sans relàche, la figure noire de poudre, et en face d’eux, dans la plaine, toute une armée : cavaliers, fantassins et artilleurs. Les balles pleuvaient de tous côtés, la mitraille tombait comme un orage en été et éventrait les maisons. Marguerite prit son poste de combat et soutint bravement le feu. L’œil animé, la respiration haute, elle ne faisait que charger et décharger son fusil.

— À la bonne heure, à présent ! Avec ton museau sans barbe, tu ne boudes pas, mon garçon, fit le vieux soldat, qui veillait sur Marguerite comme sur un fils. C’est cela ! Pan ! Encore un à bas ! Ils se battent bien, les cosaques. S’ils n’étaient pas tant, on pourrait encore en venir à bout.

— Bravo, mes amis ! Ferme ! ferme ! L’Empereur arrive ! s’écria un officier tout brillant de dorures, qui parut accompagné de quelques aides de camp, et disparut comme un éclair.

— Connu ! c’est une frime, dit le vieux soldat. C’est égal, on fera les choses comme s’il était là.

— Quel est cet officier ? demanda Marguerite.

— C’est Mortier, le duc de Trévise, comme disent les intrigants de l’état-major ; un bon troupier tout de même !

Depuis deux heures au moins, Marguerite était là, mèlée aux soldats, aux gardes nationaux. Le soleil était chaud ; elle commençait à se fatiguer.

— Du courage, et bon pied, bon œil ! comme disait le sergent Mirbeck à Hanau, où nous avons descendu tant de sacr

Il n’acheva pas : une balle le coucha par terre.