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HISTOIRE DU RÈGNE DE HENRI IV.

et de Philippe II. Henri IV le proclama lui-même à Rouen devant les notables ; après l’épée de sa brave noblesse, ce fut à ces gens, animés du seul désir du bien public, qu’il fut redevable de sa couronne. Quand les États-Généraux réunis, aveuglés par les passions, achetés par les quadruples espagnols, eurent appelé à régner l’infante Claire-Eugénie, les Politiques se montrèrent sur la brèche au Parlement et ailleurs. Au Parlement, Du Vair prononçait un admirable discours digne de la tribune antique, appelait à la défense de la loi salique et des constitutions fondamentales de l’État le patriotisme de la Compagnie, du Sénat, comme il l’appelait ; au dehors, la satyre Ménippée, chef-d’œuvre d’ironie, de haute raison et de haute éloquence, livrait à la risée publique les ligueurs espagnols, Rose, Mayenne ; soulevait dans une formidable unanimité le sentiment national et élevait contre les insolentes prétentions de l’étranger, contre l’ambitieuse insensibilité des chefs lorrains à la vue des maux publics, les cris— de réprobation de la misère à son comble et du patriotisme aux abois. Il était grand temps en effet que la situation changeât. Des témoignages authentiquesdu temps démontrent que Philippe II n’était pas loin de son but ; quelques années, quelques mois encore, et il n’avait plus qu’à étendre la main. Henri se décida à mettre un terme à ces dangers de la patrie. Ce qu’il n’avait pu faire à la mort de Henri III, vainqueur d’Arques, vainqueur d’Ivry, vainqueur de Farnèse, il le pouvait maintenant. D’ailleurs le péril était présent, et si les victoires l’avaient entouré d’assez de gloire pour couvrir et effacer la nécessité de son abjuration, elles ne lui avaient point donné assez de force pour qu’il put prendre un autre parti. Il se résigna donc pour gagner un trône, pour sauver la France ; il abjura. Que des passions rétrospectives lui en fassent un crime, que la légèreté de quelques gens d’esprit, peu au fait des urgences du moment, s’amuse à disserter contre lui et à caresser le rêve d’une France huguenote ; l’histoire ne tient compte de ces jeux de l’imagination oisive. Il abjura et sauva la France, il fit bien.

Il lui fut loisible alors de racheter pièce à pièce son royaume des mains des grands seigneurs qui le détenaient. Il ne ménagea point le trésor public à leur avidité ; de plus grands intérêts étaient en jeu que quelques sacs d’or et d’argent. Il lui plaisait d’ailleurs de voir réduites à ces mesquines cupidités toutes ces fières ambitions. La royauté grandit d’autant. Même en possession de Paris, elle n’était point brillante encore. Pour bien juger de sa misère, il faut la voir au siège d’Amiens, faisant face à l’Espagne en pourpoint déchiré, n’ayant presque pas un cheval à monter, et allant quêter un dîner chez ses capitaines. Il fallait toute la bonne humeur et toute la force d’àme de Henri IV pour rire ainsi de sa marmite renversée et entreprendre une aussi formidable restauration. D’autres se fussentdécouragés à la peine ; son génie envisagea toutes les difficultés et les surmonta.

Le plus pressant besoin était d’abord d’en finir avec ces restes de guerres civiles