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LE PRÉSENT.

M. Plassan a du talent. L’Indiscrète, la Jeune femme essayant un collier de perles, en feraient foi au besoin, mais je ne veux citer en preuve que le Retour de Nourrice. Une bonne paysanne, fraîche et pleine de santé, ramène à la ville son nourrisson ; Nous sommes dans la chambre de sa mère ; celle-ci, assise et à demi penchée, tend les bras vers sa fille. Elle ne vous connaît point, madame, et c’est votre faute. Pourquoi ne pas l’avoir nourriede votrelait ? Pourquoil’avoir, pour quelques écus, confiée aux soins d’une étrangère ? Vous vous êtes enlevébien des plaisirs ; vous n’avez pas eu son premier regard, vous n’avez point eu son premier sourire ; vous n’avez point guidé ses premiers pas, et aujourd’hui vous êtes une inconnue pour elle. Votre visage lui fait peur, elle détourne la tête, lève l’épaule comme pour se mettre à l’abri derrière et se rejette vers la paysanne qui a été sa mère jusqu’à ce jour. Cette frayeur est votre punition. Le visage souriant et à demi fâché de la mère, le geste d’effroi de l’enfant sont bien saisis et bien rendus. Les fruits qu’apporte la nourrice dans un panier couvert d’un linge blanc sont appétissants et vermeils. Seulement, le père, qui se tient derrière la chaise de sa femme, est bien jaune, bien maigre et bien sérieux. Est-ce que ce serait un de ces affreux hommes qui n’aiment pas les enfants, qui s’emportent quand ils pleurent et ne sourient pas à les voir sourire ? Que la nourrice remporte bien vite le charmant baby ; ce monsieur à mine renfrognée n’est pas digne d’ètre père. — Est-ce une jeune mère, est-ce une jeune fille que cette personne jeune et jolie à coup sûr, qui est en train d’ajuster son bas sur sa jambe si fine et si ronde ? Ce n’est point un tableau, c’est un médaillon ; M. Plassan a fait cela avec deux gouttes de couleur et deux rayons de soleil ; c’est charmant et cela s’appelle le Lever.

Les fumeurs abondent cette année. M. Vetter a fait un fumeur, M. Meissonier un autre, M. Chavet plusieurs autres ; M. Pécrus en a fait un aussi. M. Pécrus est élève de MM. Fichel et Chavet, et il a pris à ses maîtres beaucoup de leurs qualités et de leurs défauts ; mais ce qu’il a en propre, et vous pouvez le voir dans la Déclaration d’amour, c’est une certaine touche naïve et jeune qui fait plaisir. Sa Jeune Femme cousant est aussi très-réussie. Le bras s’étend gracieusement et sans efforts ; le corps est souple et moelleux, la tête bien inclinée, et 1’œil est vague et pensif. En se baissant un peu on peut y lire mille choses et mille rèves, des cavaliers à moustaches, des voitures roulant sur un sable fin sous des allées ombreuses, et des fleurs et des joyaux et toute l’Amérique inconnue de l’amour. Que de choses il y a sous la prunelle d’une femme qui coud !

La Bretagne bretonnante est toujours à l’ordre du jour. En a-t-on abusé, grand Dieu ! de ces pauvres Bretons et de leurs longs cheveux mal peignés, de leurs larges braies, de leurs vastes chapeaux ronds, de leurs guêtres de cuir, de leurs sabots qui ont l’air de petits monuments ! Des clans d’artistes et de littérateurs se sont établis là-bas, au milieu des chouans, près des menhyrs, le long de ces eaux