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LE SALON DE 1857.

À cette toile, louable pourtant, je préfère de beaucoup les Choussa, éclaireurs arabes. Ils sont trois, sur le pic d’une montagne. Courbés à plat ventre, ils se soulèvent à demi et rampent comme des serpents pour voir ce qui se passe au-dessous dans la plaine. La précision du dessin, la vérité et le naturel de la pose, l’exactitude du costume, la variété piquante des figures, donnent une grande valeur à cette petite toile. Quand j’aurai cité le Maestro Palestrina et Une Répétition dans la maison du poète tragique à Pomper que j’aurai loué modérément la recherche modérée de la couleur et de l’effet, la science des groupes et l’agencement habile des personnages, j’aurai été complet et juste, je crois, avec M. Gustave Boulanger.

Aimez-vous les clairs de lune, les chairs roses-tendreset les yeux bleus et flottants, préférez-vous la grâce à la force, la suavité à la fermeté, M. Henri Picou vous servira à souhait. Ici il fait glisser une barque sur des ondes bleues et sous un ciel d’azur ; une jeune fille blonde et debout couronne de fleurs pâles la tête d’un jeune homme blond, qui la regarde langoureusement et amoureusement ; d’autres jeunes filles blondes sont penchées à la proue, à la poupe, à tribord et à bâbord, et cueillent de ces larges fleurs jaunes qui s’épanouissent à la surface des étangs et des lacs. Il appelle cette promenade bleue et blonde l’Etoile du soir, je le veux bien, mais je ne crois pas que l’étoile du soir elle-même donne aux formes tant de morbidesse, efface autant les contours et change les corps vivants en fantômes. Je préfère à cette composition, qui a un peu les pâles couleurs, un autre petit tableau qui s’appelle le Bain, et qui expose aux yeux le corps blanc et nu d’une jeune fille auprès d’une source. C’est joli, gracieux, bien dessiné, le pied s’avance bien, léger et craintif, pour éprouver la chaleur de l’eau, et ces demoiselles de couleur, qui sont autour de la blanche baigneuse, lui envoient des reflets cuivrés qui font plaisir à voir. Je souhaiterais à M. Picou, non pas un pinceau plus net, plus gracieux et plus léger, mais plus ferme et un peu plus riche en couleurs. Il y gagnerait, je crois.

M. Jalabert a du talent, beaucoup de talent, et je n’apprends rien à personne en disant cela ; je suis fâché pourtant que ce talent-là ne s’échauffe pas un peu, ne se colore pas, et, au risque de perdre de sa pureté et de son charme, ne gagne point en éclat et en force. Il faut bien le dire, le Raphaël dans son atelier est un tableau soigné, fait avec goût, mais la tête de Jean de Médicis, qui sera plus tard Léon X, ce pape si amoureux des arts et du beau, est commune et sans expression ; la figure de Raphaël lui-même manque de noblesse et de feu. Quand il avait les pinceaux en main, le divin Sanzio, et qu’il distribuait discrètement la couleur aux draperies d’une Vierge ou caressait les célestes contours du visage de l’enfant Jésus, croyez-vous qu’il eût simplement cet air d’un écolier studieux qui