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par l’émulation qui, depuis l’invasion de l’Espagne par les Arabes (en 710), ne cessa de régner, en Occident, entre les chrétiens et les musulmans. La lutte portée en Orient par les croisades fut moins bienfaisante. L’impulsion donnée aux idées par cet immense déplacement d’hommes, se trouva définitivement plus que balancée par la corruption qui fut introduite en Orient parmi les croisés, et par l’oppression qui pesa en France sur les populations, en l’absence de leurs protecteurs habituels[1].

En résumé, la société féodale, éclairée par l’émulation des moines et des séculiers, stimulée par la rivalité des musulmans et des chrétiens de l’Occident, enrichie par l’agriculture et les métiers des communes urbaines, fortifiée enfin, au physique comme au moral, par la suprématie des résidences rurales, créa une constitution plus solide et plus libre que toutes celles du passé.

Les institutions, féodales acquirent chez les

  1. Joinville refusa, par les motifs suivants, de prendre part à la désastreuse croisade entreprise, pour la seconde fois, par saint Louis : « Je fus beaucoup pressé, par le roi de France et le roi de Navarre, de me croiser. À cela je répondis que j’avais été au service de Dieu et du roi outre-mer, et depuis que j’en revins, les sergens (des deux rois) m’avaient détruit mes gens tellement qu’il n’arriverait jamais un temps où moi et eux n’en vaudrions pas pis ; et je leur disais ainsi que si je voulais agir au gré de Dieu, je demeurerais ici pour aider et défendre mon peuple.» (Ibidem, CXLIV.) Le véritable esprit du moyen âge se révèle dans cette réponse.