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saient dans la hiérarchie féodale d’une indépendance que les familles de notre temps seraient heureuses de posséder, devant les offices ministériels, le fisc et la bureaucratie. Les moindres communes avaient alors une autonomie vers laquelle nos grandes cités n’oseraient élever aujourd’hui leur pensée dans leurs plus vives revendications[1]. Les ouvriers ruraux, exempts

    et des autres pays d’élevage ; elles étaient presque intactes à l’époque de la révolution, dans toutes les contrées où les propriétaires continuaient à résider. Depuis lors les neuf dixièmes de ces familles ont été désorganisées par le Code civil et les officiers ministériels, par les contraintes de la conscription et l’attrait des résidences urbaines. Plaise à Dieu que la destruction ne soit pas complètement achevée quand le moment de la réforme sera arrivé ; qu’en conséquence, les hommes d’État qui auront le bonheur d’accomplir cette réforme puissent juger, par l’observation directe, combien les deux types du moyen âge étaient supérieurs au type instable que la révolution a créé ! Quant à la famille-souche (§ 6), elle se constitua surtout chez les propriétaires de tout rang. Elle a résisté à la révolution mieux que la famille patriarcale, et elle offre encore de nombreux modèles aux réformateurs.

  1. On peut consulter, au sujet des institutions communales du moyen âge, l’intéressante Monographie de Beaumont-en-Argonne (Ardennes), publiée par M. l’abbé Defourny, curé de cette commune.

    La commune de Beaumont a été régie, pendant six siècles, par la charte que lui donna spontanément, en 1182, son suzerain Guillaume de Champagne, archevêque de Reims, et que Charles v, roi de France, cessionnaire en 1379 des droits des archevêques, s’engagea à respecter. Aux termes de cette charte, les impôts, d’ailleurs très-légers, sont fixés une fois pour toutes. La liberté individuelle est garantie. Les bourgeois élisent chaque année leurs magistrats municipaux, qui gouvernent la commune, rendent la justice civile et criminelle, et donnent l’authenticité aux contrats. Les décisions touchant les intérêts