Page:Le Play, L’Organisation Du Travail, 1893.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

franks, en particulier, s’établirent tout d’abord sur de magnifiques domaines ruraux, au milieu de serviteurs et de tenanciers adonnés à la pratique de l’agriculture et des autres arts usuels[1]. Imitée par les Leudes, puis par toutes les Autorités sociales qui prirent part à l’organisation de la féodalité, cette pratique fut l’une des origines principales de la prospérité matérielle et des grandeurs morales du xiiie siècle. Les nouvelles classes dirigeantes, formées par la fusion insensible des Franks et des Gallo-Romains, créèrent à la longue les institutions et les mœurs des Français, en même temps que les clercs modifiaient les sentiments et les idées.

La monarchie vint, à son tour, coopérer à l’œuvre de régénération et compléter l’édifice

  1. A. Thierry s’est familiarisé avec l’esprit et les mœurs de cette époque, en méditant sur la Chronique de Grégoire de Tours. Il décrit en termes charmants les résidences rurales des rois franks. Les phrases suivantes, placées au début du premier récit des temps mérovingiens, en signalent les traits principaux : « À quelques lieues de Soissons, sur les bords d’une petite rivière, se trouve le village de Braine. C’était une de ces immenses fermes où les rois des Franks tenaient leur cour, et qu’ils préféraient aux plus belles villes de la Gaule. L’habitation royale n’avait rien de l’aspect militaire des châteaux du moyen âge… » L’écrivain qui, à force de recherches, résumerait en quelques pages la vie journalière du seigneur et de ses tenanciers, dans une résidence rurale du xiiie siècle, changerait complètement l’opinion sur cette grande époque que tant d’écrivains ont calomniée sans la connaître (§ 11, n. 1), avec l’approbation des rois absolus de la Renaissance et surtout de leurs conseillers habituels, les légistes.