Page:Le Play, L’Organisation Du Travail, 1893.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et ils continuèrent jusque dans les derniers rangs de la société l’œuvre des apôtres. Ils propagèrent dans tous les cœurs les sentiments de fraternité et d’égalité indiqués par la raison et la justice ; et ils concilièrent ainsi les intérêts généraux de toutes les classes. Ils amenèrent sans secousse, à l’insu des Gallo-Romains et des Franks, des riches et des pauvres, des maîtres et des serviteurs, la plus grande révolution qui se fût encore accomplie au sein de l’humanité. Ils créèrent véritablement, au moyen âge, le nouvel ordre social et l’esprit moderne, dont l’origine est injustement attribuée, par plusieurs contemporains, à l’époque actuelle.

Les Franks, après avoir conquis par la force la souveraine puissance et la propriété du sol, ramenèrent sur le territoire de la Gaule deux éléments essentiels à la régénération du pays. Ils restaurèrent par leur pratique même les sentiments d’indépendance personnelle et d’initiative individuelle, que l’absolutisme des empereurs avait étouffés dans toutes les classes de la société, chez les Romains comme chez les peuples conquis. Méprisant, selon la coutume de leur race, le séjour des villes, ils rétablirent par le seul fait de leur résidence les libertés locales des campagnes ; et ils mirent fin à la domination oppressive exercée par les classes urbaines sous le régime antérieur de décadence (§ 13). Les rois