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les vertus de leurs ancêtres[1]. Plus tard, le haut clergé, se recrutant surtout parmi les sommités de la hiérarchie féodale, établit des alliances abusives entre l’évêché et le fief : il prit le bras séculier pour auxiliaire habituel de la religion ; trop souvent aussi il mit la religion au service de ses passions séculières. Les évêques laissèrent ainsi leur influence morale s’amoindrir ; mais les ordres religieux et le bas clergé y suppléèrent amplement. Les moines continuèrent l’apostolat des premiers siècles ; et ils conservèrent le dépôt des sciences et des lettres[2]. La cure, stimulée par les vertus du cloître, et placée en contact intime avec les populations, conquit les âmes à Dieu par les enseignements et les exemples de chaque jour. Les deux clergés initièrent les classes dirigeantes à l’esprit de charité, que les anciens avaient peu connu ;

  1. Ainsi, par exemple, les Franks avaient perdu la chasteté à l’époque de l’invasion ; mais ils avaient conservé l’esprit de famille, et surtout le respect de l’autorité paternelle. (Augustin Thierry, Œuvres complètes, 1851, t. IV, p. 438.)
  2. M. le comte de Montalembert a décrit dans un de ses ouvrages les grands services rendus par les moines à cette époque ; et il en donne le résumé dans les termes suivants : « Moins d’un siècle après la mort de saint Benoît (en 583), tout ce que la barbarie avait conquis sur la civilisation est reconquis ; et, de plus, ses enfants (les bénédictins) s’apprêtent à porter l’Évangile au delà des limites que les premiers disciples du Christ n’avaient pu franchir. L’Occident est sauvé. Un nouvel empire est fondé ; un nouveau monde commence. » (Les Moines d’Occident, t. II, liv. IV.)