Page:Le Play, L’Organisation Du Travail, 1893.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ont, à la longue, subi ces influences : ils ont d’abord cédé à l’invasion du mal ; puis ils se sont abîmés dans une irrémédiable décadence[1].

Sous l’influence du christianisme, les peuples sédentaires réussissent mieux que les païens à conserver l’ordre moral au sein de la prospérité. Ils ne se préservent pas complètement de l’orgueil et de la corruption qu’engendrent la science, la richesse et la puissance ; mais ils gardent plus de force pour réagir contre le mal et pour revenir au bien. Les catastrophes sociales, symptômes évidents de la décadence, viennent promptement rappeler aux peuples égarés l’instabilité et le danger des biens de ce monde, qui n’ont point pour fondements la crainte de Dieu et le respect de la loi morale. À la vue de ces biens qui leur échappent, les peuples comprennent la vérité des enseignements de la religion ; et ils sentent le besoin d’obéir aux grands hommes qui, par leurs discours ou leurs exemples, conservent encore les préceptes du Décalogue et les pratiques de la Coutume. Seuls, les pasteurs noma-

  1. Les Chinois ont seuls échappé à cette loi de l’histoire ; mais leur race a été sans cesse régénérée par les pasteurs nomades des vastes steppes situées au nord de l’empire (§ 64). Dans l’ordre naturel les pasteurs de l’Asie, ceux du moins qui n’ont pas été corrompus par le contact des Chinois, restent aujourd’hui la principale source du bien, comme au temps d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. L’histoire générale ne sera réellement constituée que lorsque cette vérité sera mise, par l’observation directe, en complète lumière.