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plétement approprié à la culture et converti en propriétés individuelles, les agriculteurs cèdent à de nouveaux besoins : ils abrogent la famille patriarcale, bâtissent des villes, créent des manufactures, exploitent le commerce et s’adonnent aux arts libéraux ; mais alors ils ne résistent à la richesse et à l’orgueil, fruits habituels de la prospérité, qu’en adaptant leurs institutions à ces conditions nouvelles. Ils doivent plus que jamais appuyer sur la foi et la raison leurs mœurs et leurs coutumes ; en même temps ils doivent être fort attentifs à conjurer, par la loi écrite, les aberrations de l’initiative individuelle et de l’esprit d’innovation. Parvenues à cette situation, les sociétés peuvent mieux s’élever au bien par d’admirables élans ; mais elles sont moins assurées de se préserver du mal. À l’époque même où on les admire le plus, elles sont déjà parfois moins saines que brillantes. Enfin, la prospérité cesse, et la décadence devient inévitable, si les mœurs et les institutions se corrompent. Les plus redoutables symptômes de cette corruption sont l’oubli du Décalogue, l’abandon de la Coutume, la propagation de la famille instable, la création de capitales somptueuses livrées au luxe et à la débauche, l’abus de la richesse ou de la puissance, et spécialement la conquête des petites nations. Tous les peuples fameux de l’antiquité, privés des bienfaits du christianisme,