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§ 10

LE BIEN ET LE MAL DANS L’HISTOIRE.

La distinction du bien et du mal reste jusqu’à ce jour moins nette encore en histoire qu’elle ne l’est en géographie. Les erreurs inextricables au milieu desquelles nous vivons dérivent, en général, d’une même cause. La plupart des écrivains auxquels le public demande à tort ses notions d’histoire sont loin d’être des historiens ; et l’on s’étonnera un jour qu’ils aient pu momentanément recevoir ce titre. Ils ne se proposent guère, en effet, d’exposer les vérités de la science ; ils ne tendent, à vrai dire, qu’à amuser ou à flatter leurs lecteurs. Pour atteindre ce but, ils ont habituellement recours à trois procédés : ils passent sous silence les faits, peu dramatiques, qui se rattachent à la pratique du bien et qui font naître la prospérité (§ 7) ; ils s’appesantissent, au contraire, sur les entreprises conseillées par l’esprit du mal ; ils s’appliquent à les rendre attrayantes, tant qu’elles ont pour elles l’éclat et le succès ; puis, quand le récit arrive aux catastrophes, ils attribuent la décadence, non aux hommes ou aux choses qui ont été l’objet de leurs prédilections, mais à une fatalité qui pèserait successivement sur toutes les nations et sur toutes les races.