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ont plus besoin de protection que d’indépendance[1] ; aussi ont-elles moins d’inclination pour les hommes qui s’élèvent rapidement que pour ceux qui conservent la situation des ancêtres aux divers niveaux de la hiérarchie[2]. On comprend que la paix publique soit mal assurée dans les pays où les efforts de travail viennent seulement de la jeunesse pauvre et des parvenus, où les descendants des Autorités sociales ne conservent pas l’habitude du travail et le sentiment des devoirs liés à la possession de la richesse (C). On ne peut admirer sans réserve un ordre de choses où les grandes capacités s’élèvent plus haut qu’ailleurs, mais où les faibles de corps et d’esprit tombent beaucoup plus bas.

  1. J’ai toujours été frappé de la distinction profonde qui existe entre les populations imprévoyantes, auxquelles le patronage est indispensable, et celles qui prospèrent par l’exercice de leur libre arbitre. C’est en propageant les mœurs que j’ai fidèlement décrites, plutôt qu’en improvisant le droit de suffrage, qu’on crée les peuples libres. Voir notamment les Ouvriers européens, p. 9 et 18 à 20 ; la Réforme sociale, p. 375 à 381.
  2. En France, l’antagonisme social est entretenu, au milieu des classes ouvrières, par des sentiments de haine et d’envie que rien n’excuse. Toutefois il s’explique en partie par l’infériorité qu’offrent, au point de vue du patronage, les parvenus comparés aux possesseurs de situations traditionnelles. L’hostilité des ouvriers contre les nouveaux enrichis est un des traits les plus dangereux de notre état social : elle s’est fait jour en 1848 ; elle s’est reproduite en 1868 et en 1869, avec les formules les plus condamnables (J), dans les réunions populaires de Paris, et dans les congrès de Bâle et de Lausanne.