Page:Le Play, L’Organisation Du Travail, 1893.djvu/544

Cette page a été validée par deux contributeurs.

restrictions qu’on avait mises au droit de la propriété, oubliant que c’étaient là autant d’entraves à la liberté des individus, déjà si faibles et si désarmés devant le pouvoir de l’État. Il y a, en France, une tendance invétérée à exproprier les citoyens au profit de la société : on la regarde comme maîtresse des intérêts qu’elle a pour but de protéger ; et les droits qu’elle veut bien nous laisser sont considérés comme autant de faveurs qu’elle nous a faites. À cette disposition d’esprit se mêlaient certaines appréhensions plus motivées. Les emprunts que le premier Consul avait faits à l’ancien régime avaient déjà éveillé beaucoup de défiances ; on vit, dans ce nouveau projet, un essai du même genre. Andrieux le dénonça au tribunat comme un retour déguisé au droit d’aînesse, aux majorats, aux substitutions. Il demanda et fit voter la lecture du discours que Mirabeau mourant avait laissé manuscrit sur ce sujet… ; mais, ainsi que le fit remarquer Regnault de Saint-Jean-d’Angély, ce discours n’était qu’une ébauche préparatoire écrite sur ses indications par un de ces nombreux collaborateurs dont il s’assimilait les travaux, et à laquelle il n’avait pas encore mis la dernière main. Il n’en est pas moins vrai que ses disgrâces personnelles avaient altéré, sur ce point, la justesse de ce grand esprit, qui n’eût pas tardé à reconnaître combien une forte constitution de la famille est nécessaire à une société démocratique qui veut rester libre. Que sont, en effet, les abus possibles du droit de tester, abus inséparables de toute liberté, et qui peuvent être, d’ailleurs, jusqu’à un certain point prévenus, auprès des incon-