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rience manquée. En ne conservant qu’une seule inégalité, celle de la fortune ; en ne laissant debout qu’un géant, l’État, et des milliers de nains ; en créant un centre puissant, Paris, au milieu d’un désert intellectuel, la province ; en transformant tous les services sociaux en administrations ; en arrêtant le développement des colonies et fermant ainsi la seule issue par laquelle les États modernes peuvent échapper aux problèmes du socialisme, la révolution a créé une nation dont l’avenir est peu assuré, une nation où la richesse seule a du prix, où la noblesse ne peut que déchoir. Un code de lois qui semble avoir été fait pour un citoyen idéal, naissant enfant trouvé et mourant célibataire ; un code qui rend tout viager, où les enfants sont un inconvénient pour le père, où toute œuvre collective et perpétuelle est interdite, où les unités morales, qui sont les vraies, sont dissoutes à chaque décès, où l’homme avisé est l’égoïste qui s’arrange pour avoir le moins de devoirs possible, où l’homme et la femme sont jetés dans l’arène de la vie aux mêmes conditions, où la propriété est conçue, non comme une chose morale, mais comme l’équivalent d’une jouissance toujours appréciable en argent ; un tel code, dis-je, ne peut engendrer que faiblesse et petitesse… Avec leur mesquine conception de la famille et de la propriété, ceux qui liquidèrent si tristement la banqueroute de la révolution, dans les dernières années du XVIIIe siècle, préparèrent un monde de pygmées et de révoltés. Ce n’est jamais impunément, qu’on manque de philosophie, de science, de religion. Comment des