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mais un frein pour contenir dans ses limites le fils qui sera tenté d’en sortir, mais un prix à donner à celui qui a soigné et consolé la vieillesse que ses autres enfants ont négligée. Nul danger à le revêtir de ce pouvoir, non-seulement parce que l’amour paternel est le plus profond et le plus délicieux sentiment de la nature, mais parce que le père s’aime lui-même dans son fils, et qu’en général, pour les enfants, le lien de l’espérance est aussi fort pour le moins que celui de la reconnaissance. Qu’il donne de son vivant, répondra-t-on d’abord, et je conviendrai volontiers que la vraie libéralité est la donation entre-vifs ; mais plus d’un père se trouve dans une situation trop étroite pour pouvoir s’imposer des privations, et le priverez-vous du droit d’être libéral et juste, précisément parce qu’il n’est pas riche ? Plus d’une expérience a appris aux vieillards que l’on était un peu négligé lorsque l’on avait donné tout, et ils sont assez généralement pleins de cette idée ; ainsi dépouiller un père du droit de tester, c’est le priver de la prérogative la plus précieuse et la plus utile aux mœurs, puisque ce serait évidemment affaiblir le pouvoir paternel, et une loi qui lui ravirait ce droit aurait contre elle l’autorité de la raison universelle, appuyée de quarante siècles ; car si c’est Solon qui a introduit les testaments dans Athènes, ce n’est sûrement pas lui qui les a inventés. »

(Assemblée nationale, séance du 6 avril 1791 : Moniteur. )