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le régime de contrainte (§ 8) qui régnait depuis 1852. Le respect de Dieu, qui est encore plus nécessaire que l’esprit d’épargne à la prospérité des peuples, est systématiquement détruit dans les cœurs, grâce à la propagande exercée, depuis l’époque de Voltaire, par nos classes dirigeantes. En ce moment on compte à Paris par centaines de mille, et surtout dans les classes ouvrières (§ 31, n. 3), les hommes hostiles à tout sentiment religieux. Beaucoup d’ouvriers et de contre-maîtres, auprès desquels j’ai fait récemment une enquête, m’ont signalé à cet égard des faits qu’on ne rencontrerait chez aucun autre peuple civilisé. Parmi les milliers d’ouvriers ayant avec eux des rapports journaliers, ils ne sauraient en citer un seul qui se dise chrétien. Un de ces contre-maîtres m’a même appris que pour vivre en paix avec ses subordonnés, et conserver le pain quotidien à sa famille, il a dû renoncer à toute pratique de religion.

D’un autre côté, nos classes dirigeantes ne continuent pas seulement à enseigner, pour la plupart, le scepticisme. Elles restent indifférentes à ces symptômes de désorganisation sociale : elles font revivre, à quatre siècles de distance, la discorde et l’imprévoyance des Grecs de Constantinople, au contact d’une invasion d’erreurs qui n’a point de précédents chez les peuples civilisés. Et cependant cette invasion est plus redoutable que ne le fut alors celle des Turcs.

Ces dangers se produisent, en France, à une époque où la corruption des classes dirigeantes a discrédité la coutume européenne qui, chez les peuples prospères, conserve fermement une hiérarchie