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qui paie un sujet d’agacement, ne fût-ce qu’à titre de refrain monotone. Alors arrivent les retards, les demandes de remises, les étonnements à chaque retour de trimestre. Comment, déjà ! répond-on en réclamant ; déjà, c’est le mot de tous les débiteurs ; rien ne fait paraître le temps court comme les échéances.

« Ce n’est là que le premier acte ; mais qu’il survienne des catastrophes dans la famille, que la gêne et les dettes entrent dans la maison, le père qui augmente cette gêne, car il coûte, le père qui est une dette de plus, le père devient monsieur vit toujours. Parfois même, sous le coup du désordre et d’une pauvreté relative, le fils ou la bru prennent ce vieillard éternel, ce créancier éternel dans une antipathie violente. J’ai vu, moi, à la campagne, un vieux paysan qui avait donné son bien à ses enfants relégué peu à peu de la chambre d’honneur dans une pièce humide et malsaine, puis de cette pièce dans un fournil, puis exilé de la table, puis réduit à manger la soupe dans une écuelle de bois, puis réduit à ne manger que du pain, puis forcé de coucher dans une sorte d’auge sur la vieille litière de l’âne, et enfin, un jour, à bout de désespoir et d’indignation, allant se jeter dans la rivière !

« Certes, ce sont là des exceptions, il y a des pères créanciers et aimés. Même parmi les fils ingrats, il y a des degrés. Tous ne jettent pas leur père au bureau de bienfaisance ; mais ils lui laissent des habits délabrés qui demandent l’aumône. Ils ne lui refusent pas la soupe ; mais ils lui donnent la plus maigre part et