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cherche des prétextes pour s’en dispenser, et trop souvent aussi les malheureux ascendants se trouvent délaissés dans leurs vieux jours par d’indignes enfants qui ne voient plus en eux qu’une charge inutile. N’est-il pas vrai qu’il en est souvent ainsi ? — Plusieurs voix. Oui, ce n’est que trop vrai !» (Discours au Sénat, séance du 23 mars 1861.)

3. Tableau tracé par M. E. Legouvé.

« On sait la passion du paysan pour la terre. En acheter un lopin, le cultiver, l’agrandir, voilà le but de toute sa vie ! Eh bien, c’est autour de ce morceau de terre que la lutte s’engage à la campagne, entre le père et le fils. Le père a autant d’ardeur pour conserver ce qu’il appelle si énergiquement son bon bien, que le fils pour le conquérir. Mais le père l’aime comme on aime ce qu’on a ; le fils l’aime comme ce qu’on voudrait avoir, c’est-à-dire avec toute l’âpreté que le désir ajoute à la passion. De plus, le fils est jeune, et le père est vieux ; le fils est vigoureux, le père est cassé. Donne-moi ta terre, je la cultiverai mieux que toi ! Ce travail te tue, et je ne veux pas que tu te tues ! Arrivent alors les caresses, les promesses : le père, qui est le plus tendre, cède.

Il donne sa terre moyennant une pension ; ce jour là, il est perdu ! car il n’est plus père, il est créancier. Oh ! les pensions ! les pensions viagères, il n’est rien de plus dépravant : leur côté fatal, c’est leur caractère chronique. Elles courent toujours, comme dit la loi ; et, par cela seul, elles deviennent peu à peu pour celui