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tait de l’unité d’action. Ces essais de liberté ont toujours offert deux vices principaux. Les électeurs, qui nommaient leurs représentants, n’ont pu porter à coup sûr leurs suffrages sur ces talents éprouvés qui ailleurs sont mis en relief par les bonnes pratiques de la vie privée et du gouvernement local : souvent ils ont été circonvenus par la corruption ou l’intrigue, et ils ont faussé par leurs choix l’action des pouvoirs publics[1]. À une époque où la Coutume n’a plus d’autorité, la discorde naît partout, dans l’ordre matériel comme dans l’ordre moral. L’antagonisme s’établit naturellement entre les hommes d’État qui prétendent gouverner tous les intérêts. Les innombrables motifs de concurrence, qui sont une force pour la vie privée, deviennent une cause de faiblesse en s’introduisant indûment dans la vie publique. La multiplicité des conflits due à la complication factice de l’État rend alors tout gouvernement impossible : car elle aggrave outre

  1. Les hommes n’exercent guère utilement l’autorité centrale quand ils n’y ont point été préparés par les grandes fonctions de la vie privée ou du gouvernement local. Ceux qui tombent du pouvoir conçoivent contre leurs rivaux de profondes rancunes ; car ils passent sans transition de la toute-puissance au néant. Sous ce rapport, la destruction des hiérarchies naturelles et la tendance croissante vers le nivellement des conditions ont toujours introduit l’agitation et le désordre dans nos essais du régime représentatif.