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cédents chez les nations bien constituées. Une race établie sur un sol entièrement approprié à la culture[1] ne reste prospère qu’en gardant la fécondité et en organisant, par suite, un régime régulier d’émigration. La famille-souche (§ 6), après avoir assuré l’héritage du foyer et de l’atelier à l’enfant qui peut le plus tôt la seconder et lui donner des rejetons, emploie toute son épargne à fournir les meilleurs moyens d’établissement aux autres enfants. La plupart de ceux-ci, élevés sur un domaine rural, ne trouvent pas dans la métropole l’équivalent de la situation où ils sont nés, et ils vont chercher une meilleure fortune dans les régions incultes des deux mondes. Or une nation qui vise à de hautes destinées verrait avec regret que ses émigrants allassent se fondre dans la masse d’une nationalité rivale[2]. Sans entraver leur libre arbitre, elle les attire sur des territoires disponibles placés sous son protectorat, où ils peuvent propager leur race et lui assurer un jour l’indépendance, avec l’alliance de la mère patrie. Tel est l’objet du service colonial dont la France offrait autrefois, dans ses districts ruraux à

  1. Les Ouvriers européens, Tableau des diverses organisations sociales, p. 16-17.
  2. En France, les rares familles qui conservent la fécondité n’envoient point les émigrants aux colonies françaises : les Alsaciens émigrent aux États-Unis ; les Basques du Béarn, dans le bassin de la Plata.