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à la morale. Dans cette situation d’esprit, on transgresse sans pudeur le droit des gens,  c’est-à-dire les coutumes dans lesquelles les nations civilisées avaient résumé, en des temps meilleurs, l’application de la loi du Décalogue à leurs mutuels rapports. On se dispense notamment des formalités qui, dans les États bien constitués, précédaient les déclarations de guerre, donnaient à la lutte un caractère légal, et dégageaient les soldats de la responsabilité imposée par le cinquième commandement de Dieu[1]. Certains gouvernements, grands ou

    en se fondant sur l’analogie des langues, la dangereuse et injuste doctrine dite des nationalités. À ce nouveau point de vue, les petites nations, constituées depuis des siècles avec des langages italiens, allemands ou slaves, devraient perdre leur autonomie au profit du plus ambitieux de leurs voisins. À ce même point de vue, la Suisse, l’une des plus respectables nationalités de l’Europe, devrait disparaître et compléter, en se morcelant, les trois groupes du français, de l’allemand et de l’italien.

  1. Plusieurs communions religieuses pensent que la loi divine condamne formellement la profession de soldat et l’institution des armées permanentes. Parmi les chrétiens, la société des Amis (la Réforme sociale, t. Ier, p. 131) professe cette doctrine depuis le commencement du XVIIe siècle ; et elle a réussi, par l’énergie de ses convictions, à faire respecter ses scrupules, en ce qui touche le 2e et le 5e commandement, par les gouvernements de la race anglo-saxonne. Ainsi on lit dans la déclaration de l’État de Delaware (États-Unis) : « Article 10… Tout homme qui se fait un scrupule de conscience de porter des armes ne peut, dans aucun cas, y être contraint s’il paie un équivalent. » Les Amis appliquent à ce point de vue l’esprit de charité : ils mettent les membres pauvres de la société en mesure de concilier le scrupule religieux et le devoir civil. Pour