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D’après une opinion répandue, les États-Unis d’Amérique seraient la nation la plus prospère de notre époque. Chez cette même nation serait établie la distinction la plus complète entre la loi religieuse et la loi civile, ou, en d’autres termes, entre les Églises et l’État. Ces deux jugements ont été souvent reproduits ; mais je les trouve chaque jour plus contestables, surtout quand je rapproche le passé du temps actuel. G. Washington, J. Adams, J. Madison et leurs contemporains, qui créèrent par leur ascendant personnelle gouvernement des États-Unis, sont restés jusqu’à ce jour les plus illustres représentants du caractère américain. Or ces grands hommes furent tous formés, dans leurs colonies natales, sous les régimes de contrainte les plus énergiques. Ces régimes identifiaient tellement le christianisme et le gouvernement, que plusieurs lois locales, celles du Connecticut, par exemple, établissaient une religion d’État, et punissaient de mort l’hérésie, le blasphème, l’adultère et l’outrage envers les parents[1]. À l’aide du temps, les Coutumes avaient atténué la rigueur de ces lois ; mais, lors de la guerre de l’indépendance, elles continuaient toutes à faire respecter le Décalogue. La constitution des États-Unis, inaugurée en 1789, et les amendements qui y

  1. A. de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, t. Ier, ch. II.