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essentielle à la province. Elles remplissent le mieux leur fonction quand elles sont au nombre de trois. Elles rendent la justice conformément aux lois générales de l’État et aux lois spéciales[1] de la circonscription. Indépendamment de leurs devoirs professionnels, elles pourvoient à un grand intérêt social : elles sauvegardent la légitime autonomie de la province en conciliant, par leur jurisprudence, le texte de ces lois avec les coutumes locales et les besoins nouveaux qui se révèlent. Elles sont égales en rang, constituées de la même manière, également formées d’un très-petit nombre

  1. La spécialité de législation, qui est une garantie nécessaire des libertés locales, résulte à la fois du respect des coutumes, de l’action de la jurisprudence et même de la diversité des lois écrites. Le parlement du Royaume-Uni rend souvent des lois spéciales à l’Angleterre, à l’Écosse ou à l’Irlande ; et il accuse ainsi davantage les autonomies réservées par les actes d’union de ces dernières provinces. La diversité des législations est encore plus marquée dans les huit provinces actuelles de la Prusse ; En respectant depuis 1815, sur la rive gauche du Rhin, le Code Napoléon, la Prusse a fait preuve d’un sens politique que la France n’a point montré en imposant récemment ce même Code à la Savoie et au comté de Nice, malgré le vœu des populations (H). Le passé et le présent enseignent que le système prussien est aussi favorable aux unions et même aux annexions que le système d’uniformité forcée de la révolution française leur est hostile. La monarchie française s’est constituée, en fait, sous le régime des autonomies provinciales que la Prusse a conservé, et que l’Autriche s’applique tardivement à reconstruire. La révolution, en brisant ce régime par la violence, au mépris des droits réservés par les actes d’union, a commis un acte à la fois inintelligent et injuste.